Exposition Richard Pak « La Firme » > 24 oct. 2024 – 5 janv. 2025 – Fermetures exceptionnelles à 16h les 24 et 31 décembre.
Du mardi au dimanche de 11h à 18h au 58 allées Charles de Fitte (nouveau lieu pendant la durée des travaux).
Raymond Depardon – David Burnett Septembre au Chili,1971/1973
- Exposition
- Lieu Galerie le Château d'Eau
-
Public
- Tout Public
Pour marquer les 50 ans du coup d’état contre le gouvernement populaire au Chili, Le Château d’Eau organise une exposition qui réunit les regards de R.Depardon et D.Burnett sur le pays à cette époque.
C’est à l’occasion du premier anniversaire de l’élection du président Salvador Allende, en 1971, que Raymond Depardon découvre le Chili, accompagné du secrétaire de rédaction du magazine Zoom, son ami Robert Pledge.
En 1973, l’américain David Burnett couvre le coup d’Etat du général Pinochet, qui précipite le pays dans une dictature militaire sanglante. De la prise du Palais de la Moneda aux funérailles de Neruda, ses images constituent avec celles de Depardon un reportage collectif, qui remporte à New York la Robert Capa Gold Medal, la plus haute distinction du photojournalisme.
Des photographies, à l’origine destinées à la presse
Dans l’après-midi du 11 septembre 1973 l’aviation militaire chilienne bombarde le palais présidentiel de La Moneda à Santiago et l’armée investit le siège du pouvoir. Le président socialiste Salvador Allende refuse de se rentre aux putschistes et se suicide après trois années d’un régime de gauche qui a représenté un espoir fort dans le pays, entre autres chez les paysans et la classe ouvrière et également dans tout un continent habitué aux coups d’état militaires et à une violence souvent manipulée par les Etats-Unis. La dictature du général Pinochet est en place et durera jusqu’en 1990, accompagnée des atteintes aux droits de l’homme, des 3200 morts et « disparus » et avec environ 38 000 personnes torturées. Plusieurs milliers de personnes, peut-être un million, s’exilent.
Deux ans auparavant, en 1971, Raymond Depardon, jeune reporter de l’agence Gamma dont il a été l’un des fondateurs quelques années plus tôt, vient au Chili à l’occasion du premier anniversaire de la victoire de l’Union populaire. Il est accompagné de son ami le journaliste Robert Pledge, à l’époque rattaché au magazine Zoom. Outre un rendez-vous avec le président Allende, il se concentre surtout sur le monde paysan dans lequel il retrouve des échos de ses origines.
En septembre 1973, David Burnett, reporter à Gamma New York, qui vient de signer un contrat avec Life magazine et qui rejoindra l’agence Contact Press Images lorsque Robert Pledge la créera à New York en 1976, couvre, dans des conditions difficiles, les lendemains du coup d’état. Arrestations, parcage des détenus au stade national – où ils seront torturés et exécutés -, autodafés de livres, l’immense cimetière où sont enterrées les victimes, obsèques du poète Pablo Neruda, mort douze jours après le coup d’état – dont on pense de plus en plus qu’il a été empoisonné -, il chronique les débuts de ce qui va devenir une sanglante dictature.
Ces photographies, à l’origine destinées à la presse et au seul champ de l’information sont aujourd’hui des documents historiques, des pans de mémoire. Elles sont aussi le témoignage d’une esthétique d’époque de l’image de journalisme, d’un moment où la photographie était dominante et déterminante pour la presse. C’est aussi pour cela qu’il nous a semblé nécessaire de présenter les différents états de tirage, ceux d’hier qui étaient distribués aux journaux, ceux d’aujourd’hui pensés pour l’exposition et le livre.
Christian Caujolle, conseiller artistique
Textes de Luis Poirot, extraits de « Septembre au Chili,1971/1973 », Atelier EXB
SEPTEMBRE 1971, Raymond Depardon
Le Chili où je suis né en 1940 a été pendant de nombreuses années jusqu’en 1970 un pays où nous avions coutume de dire, nous qui y vivions : « Rien ne se passe ici », le regard tourné vers l’Europe ou les Etats-Unis, impatients de voir ce qui se passait ailleurs. Notre long territoire ressemblait à un lieu d’exil d’où il fallait s’évader.
Soudain, Allende est arrivé et a tout changé : c’est le reste du monde qui s’est tourné vers nous. Des intellectuels et des journalistes sont venus voir et essayer de comprendre en quoi consistait cette expérience unique d’un socialisme dans la liberté. Ceux d’entre nous qui vivaient ici ne songeaient alors plus à partir.
C’est à cette époque que Robert Pledge et un photographe silencieux aux grands yeux surpris sont arrivés. Comme de nombreux visiteurs, ce dernier a photographié le grand théâtre social des rues de Santiago, occupées pour la première fois par des ouvriers et des paysans dans un grand chant d’espoir et de joie. Mais il y avait quelque chose de différent chez ce photographe. Il voulait visiter les territoires lointains du sud, territoires des Indiens Mapuches et des paysans sans terre, ignorés pendant des décennies par notre culture centralisatrice.
J’ai découvert ses images d’un pays que je ne connaissais pas dans mon exil à Paris après le coup d’État et je peux établir aujourd’hui une relation entre ces photos et celles que Raymond Depardon a prises des années plus tard en France, dans des territoires également reculés. Ces photos lointaines de 1971 étaient le prologue d’un regard qui visitait désormais la terre de ses ancêtres, une culture ignorée des citadins d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui. Comme Paul Strand qui, après des années à parcourir le monde, nous dit que tout ce qu’il cherchait se trouvait juste à sa porte. Alors, quand Raymond Depardon nous rendit visite en 1971, silencieux avec de grands yeux surpris, il cherchait déjà son monde intérieur, celui que photographient les grands photographes.
SEPTEMBRE 1973, David Burnett
Dès le coup d’état, les militaires ont tenté de contrôler toute l’information, en particulier les images photographiques et cinématographiques. Ils ont systématiquement détruit les archives des grands éditeurs et médias qui enregistré la vie sociale, politique et culturelle du Chili depuis 1900, la presse et les documentaires de Chile Films à l’origine d’une renaissance du cinéma national. Seuls les photographes acceptés par eux, qui devaient arborer une accréditation autour du cou et un bracelet d’identification sur la manche, étaient autorisés à travailler dans la rue. Se montrer autrement avec un appareil photo, c’était risquer la dénonciation aux patrouilles qui parcouraient la ville. Les nouvelles n’étaient que des rumeurs de bouche à oreille. J’ai appris la mort du président Salvador Allende dans la nuit du 11 septembre par une radio argentine ; le meurtre du chanteur Victor Jara près d’un mois plus tard et la mort de Pablo Neruda dans un court paragraphe publié parmi d’autres nouvelles, sans détails sur ses funérailles.
Les militaires voulaient écrire une histoire du Chili qui aurait commencé avec eux le 11 septembre et faire silence sur tout ce qui leur avait précédé. Ils imaginaient certainement que des photographes étrangers comme David Burnett donneraient une vision de l’armée exemplaire. Mais David ne pouvait que reprendre l’héritage de Robert Capa aux côtés de la République pendant la guerre civile espagnole, celui de W. Eugene Smith avec les malheureux du monde et respecter la mémoire d’ August Sander présent auprès des persécutés du nazisme et de tous les photographes qui ont donné une voix à ceux que le pouvoir voulait faire taire.
David et sa mémoire incorruptible sont devenus nôtres : les abus systématiques de pouvoir et de violence, le désespoir des proches attendant des nouvelles aux portes d’un stade, les allées du cimetière peuplées de tombes anonymes, et cet acte de résistance, peut-être le premier, les funérailles du poète Pablo Neruda entourées de soldats. Les participants y ont malgré tout chanté l’hymne national et l’Internationale, et son ami, le poète Francisco Coloane, a récité : « Tu n’es pas mort, tu n’es pas mort, parce que les fleurs ne meurent pas au printemps. » Il a photographié tout cela pour nous, pour les photographes chiliens, qui ne pouvaient pas être les témoins de notre histoire.
Raymond Depardon
Raymond Depardon est né à Villefranche-sur-Saône en 1942. Il prend ses premières images dans la ferme familiale du Garet. A 17 ans il est pigiste chez Dalmas une agence de photoreportage qui couvre tous les secteurs de l’actualité. En 1966, il cofonde l’agence Gamma bientôt rejoint par Gilles Caron. Durant un reportage à Prague en 1969, il réalise son premier court-métrage (Ian Palach) et effectue l’année suivante son premier voyage au Tchad avec Caron et Robert Pledge. En 1971, il se rend avec ce dernier au Chili de Salvador Allende — ils y rencontreront Luis Poirot. Adepte du “cinéma direct“, il filme la campagne présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing (1974, une partie de campagne) où apparaît David Burnett qui couvre la campagne pour Time. En 1978, il entre à l’agence Magnum, menant de front une vie de photographe et une carrière de cinéaste documentaire. La vie moderne, troisième volet de “Profils paysans“, reçoit le prix Louis Delluc en 2008. Ses images paraissent dans un grand nombre de livres accompagnés d’expositions, comme récemment Son œil dans ma main, Algérie 1961-2019, un regard croisé avec l’écrivain Kamel Daoud, présenté en 2022 à l’Institut du monde arabe à Paris.
David Burnett
David Burnett est né à Salt Lake City dans l’Utah, Etats-Unis, en 1946. Il est diplômé en sciences politiques de Colorado College. De 1970 à 1972, il couvre la guerre du Vietnam en indépendant pour les magazines Time puis Life. Il rejoint l’agence Gamma en 1973, photographie les suites du coup d’Etat militaire au Chili et partage avec Raymond Depardon et Chas Gerretsen la médaille d’or Robert Capa attribuée par l’Overseas Press Club of America (OPC) pour leur livre “Chili“. Pendant 50 ans, il produit des reportages dans 80 pays et a notamment couvert treize jeux Olympiques d’été depuis 1984. Ses images ont fait l’objet d’expositions, aux festivals d’Arles, de Perpignan et de Pingyao, dans des musées, galeries et institutions culturelles en Europe, en Australie, au Japon, en Chine et aux Etats Unis. Lauréat de nombreux prix dont le Philippe Halsman pour sa “contribution au photojournalisme“ décerné en 1986 par l’ASMP (Société américaine des photographes de presse) et le prix Sprague attribué par la NPPA (Association américaine des photographes de presse) pour l’ensemble de sa carrière, en 2018. Il est le cofondateur avec Robert Pledge en 1976 à New York de l’agence Contact Press Images.
Leopoldo Victor Vargas
Leopoldo Victor Vargas, né en 1933 à Putaende, province de San Felipe, au Chili, est mort à en 2011. Engagé très tôt dans l’école de l’armée de l’air chilienne (Fuerza Aérea de Chile), il rejoint la section de photographie aérienne, nouvellement créée dont il est diplômé en 1954. Sous-officier, il est le seul militaire et photographe permanent attaché au palais présidentiel de La Moneda de 1964 à 1973. Il a exercé cette fonction au cours des mandats des présidents Jorge Alessandrini, Eduardo Frei et Salvador Allende avant de reprendre à sa demande son activité de photographe aérien dans le service de photogrammétrie de l’armée de l’air, en 1974.
RENCONTRE AVEC LES ARTISTES
La presse en parle
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