Nicholas NIXON « Une infime distance »
- Exposition
Infos pratiques
- Date et heure
- Lieu Galerie le Château d'Eau
- Public Tout Public
La première exposition majeure en France de ce photographe, figure emblématique de la photographie documentaire américaine de ces dernières décennies.
Un regard sur le temps
Nicholas Nixon a exposé au MoMA de New York à trois reprises, en 1976, 1988 et 2014, dans des présentations personnelles. Outre la plupart des grands musées américains, ses œuvres ont été montrées dans des institutions européennes à Hanovre, Berlin, Bruxelles, Madrid et Barcelone entre autres. Il est considéré comme une référence absolue de la photographie documentaire dans ce qu’elle a de plus pur et de plus américain : en noir et blanc, à la chambre grand format, avec des tirages par contact qu’il effectue lui-même et avec une inlassable curiosité pour le monde dans lequel il vit. La ville comme sa famille, les malades du Sida – qu’il a été un des tout premiers à photographier – comme les nouveaux nés, les couples mixtes ou bien les nus, des détails de son environnement familier comme les arbres pour lesquels il se passionne dans la période récente, des enfants qui rythment l’espace ou encore des personnes âgées en fin de vie, des autoportraits, seul ou avec Bebe, son épouse mais également des voilages qui captent vent et lumière devant une fenêtre, tout est prétexte à explorer les possibilités de la photographie dans sa relation au réel. « Le regard de Nicholas Nixon est un regard sur le temps. Et au fil des années, c’est comme s’il s’était fait plus aigu, plus exigeant, proche du vertige».
Citer tous ces « thèmes » abordés par Nicholas Nixon, c’est rendre justice à une œuvre et à une approche que, presque toujours, la magistrale série des « Brown Sisters » pour laquelle, depuis 47 ans, il réalise le portrait de son épouse et de ses sœurs pour un rituel photographique exemplaire a pratiquement occultées. Étrangement, il aura fallu attendre 2021 pour qu’une institution, en France, présente un ensemble monographique de Nicholas Nixon et permette l’édition du premier ouvrage en langue française de ce septuagénaire déjà entré dans l’histoire de l’image argentique. Cela a été rendu possible grâce à la riche collection d’une généreuse Maison Européenne de la Photographie, à l’aide des galeries Éric Dupont (Paris) et de la Fraenkel Gallery (San Francisco) et de collectionneurs privés. Un grand merci à tous.
L’exposition présente, au rez-de-chaussée, l’ensemble des 46 photographies des Brown Sisters, entre 1975 et 2021. Au sous-sol, des extraits des différentes séries, y compris des inédits, montrent la constance d’une approche documentaire qui, au fil du temps, trouve une distance de plus en plus proche et intense au réel représenté.
Christian Caujolle, Conseiller artistique du Château d’Eau
Série The Brown Sisters 1975 – 2021
En juillet 1975 Nicholas Nixon réalise une première photographie de sa femme, Bebe, et de ses trois sœurs lors d’une visite dans la famille de sa femme à l’époque où les sœurs Brown avaient 23 ans (Heather), 15 ans (Mimi), 25 ans (Bebe) et 21 ans (Laurie).
L’année suivante à l’occasion de la remise de diplôme de l’une d’elle, Nicholas Nixon refait la même photo. Satisfaits du résultat, lui et les quatre soeurs décident de se réunir chaque année pour un portrait avec une chambre photographique 8 × 10 sur un trépied, capturé sur un négatif de film noir et blanc. C’est ainsi qu’a débuté un projet qui s’étend sur presque toute sa carrière. Depuis 47 ans, N. Nixon réalise le portrait des quatre soeurs placées toujours dans le même ordre – de gauche à droite Heather, Mimi, Bebe et Laurie dans une posture glamour – neutre avec le regard toujours dirigé vers la caméra.
Cette série, exposée de nombreuses fois à travers le monde permet au spectateur de suivre l’évolution des liens entre les sœurs, les changements de mode et le processus de vieillissement.
Toutes les photographies de cette série appartiennent à la collection de la Maison Européenne de la Photographie, Paris.
Série Close-up
Cette expression anglaise qui signifie « de près » sert à nommer le cadrage en plan très rapproché (ou gros plan) en photographie ou au cinéma.
Isolant une partie du corps humain ou un objet, c’est un cadrage intime, à la valeur esthétisante maximale, qui dévoile les qualités et les défauts physiques.
Exigeant un contrat de complicité entre photographe et photographié, ce procédé est couramment utilisé par Nixon dans son travail avec les couples initié dès les années 70 et qui se poursuit au-delà des années 2000.
« New-Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape »
« New-Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape » (« Nouvelles-Topographies : Photographies du paysage modifié par l’homme ») est une exposition organisée en 1975 à la Georges Eastman House de Rochester par le curateur William Jenkins, avec l’aide de Joe Deal.
Pour cette exposition, Jenkins réunit 8 jeunes photographes américains – Robert Adams, Lewis Baltz, Joe Deal, Frank Gohlke, Nicholas Nixon, John Schott, Stephen Shore et Henry Wessel Jr. – ainsi qu’un couple de photographes allemands, Bernd et Hilla Becher.
L’exposition représente un tournant dans l’évolution de la photographie documentaire et la représentation des paysages urbains contemporains. La photographie de paysages se détourne alors de la nature et documente les effets de la croissance rapide des villes américaines, rejoignant ainsi le mouvement sociologique dont la Farm Security Administration du photographe Walker Evans, puis l’ouvrage « Les Américains » de Robert Franck (1958) ont été les initiateurs.
Pour Nixon, la participation à cette exposition collective marquante de l’histoire de la photographie assure sa notoriété. Par la suite, il se détache de la ligne des New-Topographics, se rapprochant définitivement de ses sujets, moins des paysages que des êtres humains.
LE REGARD DE NICHOLAS NIXON EST UN REGARD SUR LE TEMPS. ET AU FIL DES ANNÉES, C’EST COMME S’IL S’ÉTAIT FAIT PLUS AIGU, PLUS EXIGEANT, PROCHE DU VERTIGE.
Gilles Mora
A cette occasion, et en coédition avec le Château d’Eau, l’Atelier EXB/ Editions Xavier Barral publie la première monographie de l’artiste en France.
Édition : Jordan Alves et Christian Caujolle
Design graphique : Jérôme Saint-Loubert Bié
Relecture : Renaud Bezombes
Fabrication : Charlotte Debiolles
BIOGRAPHIE de l’artiste
Originaire de Détroit, né en 1947, Nicholas Nixon choisit de devenir photographe alors qu’il étudie la littérature américaine à l’université du Michigan.
Il a été volontaire au programme VISTA à Saint-Louis en 1969-70 et a obtenu une maîtrise en photographie à l’Université du Nouveau-Mexique en 1974.
Nicholas Nixon s’installe à Boston, où il commence à utiliser un appareil photo noir et blanc 8×10 pour photographier sa ville d’adoption. Il participe à l’exposition New Topographics de 1975 :
« Photographs of a Man-Altered Landscape » à la George Eastman House.
Ses images de Boston sont présentées dans sa première exposition personnelle au MoMA l’année suivante mais également dans « Mirrors and Windows : American Photography Since 1960 », au MoMA en 1978.
Depuis 1975, Nixon enseigne au Massachusetts College of Art and Design.
Sa première monographie, « Nicholas Nixon : Photographs from One Year » a été publiée en 1983.
En 1988 est publié, « Nicholas Nixon : Pictures of People » pour accompagner une rétrospective de mi-carrière au MoMA.
Depuis les années 1970, Nicholas Nixon utilise son encombrant appareil photo 8×10 pour capturer des gestes et des émotions spontanés, généralement associés à des photographies prises avec un appareil 35 millimètres portatif. Sa préférence pour l’appareil grand format s’explique en partie par les magnifiques détails qu’il confère aux tirages et par sa capacité à accentuer simultanément l’avant-plan et l’arrière-plan d’une image.
Nixon a commencé sa carrière par la photographie urbaine et la photographie de paysage, mais se tourne rapidement vers le portrait, dans lequel il tente souvent de relier la différence entre le comportement public et les moments privés.
Il est essentiellement connu pour la série de portraits de sa femme, Bebe, et de ses trois sœurs : « The Brown Sisters », commencée en 1975. Il a également photographié des résidents de maisons de retraite, des personnes en phase terminale de complications liées au sida et des personnes interagissant avec leurs voisins depuis l’espace à la fois public et privé de leur porche. Meredith Fisher
Sélection d’ouvrages :
- 2014 « Forty Portraits in Forty Years »
- 2013 « Close Far »
- 2009 « Live Love Look Last »
- 2005 « Home »
- 2003 « Nicholas Nixon Photographs »
- 2002 « The Brown Sisters »
- 1998 « School »
- 1991 « People With AIDS » (with Bebe Nixon)
- 1988 « Nicholas Nixon : Pictures of People » pour accompagner une rétrospective de mi-carrière au MoMA.
- 1983 Première monographie, « Nicholas Nixon : Photographs from One Year »
Don de Nicholas Nixon
La Galerie le Château d’Eau remercie chaleureusement Nicholas Nixon pour le don de trois de ses tirages.
Je suis fils unique. (En français) « Fils unique »
Oui.
Et quand je me suis marié, je suis le premier homme à être entré dans une famille de quatre sœurs qui étaient contentes de m’accueillir. Un jour où il faisait beau, j’ai proposé de prendre une photo.
Sans raison, à l’époque je photographiais des buildings. Leur père leur avait toujours dit : « OK faites-vous belles, souriez, enfilez une robe ». Donc il y avait ces photos de famille de quatre poupées. Mais ce n’était pas ce que je voulais.
Je leur ai dit « soyez vous-même ». Ça leur a plu et on a pris la photo. L’année suivante, l’une d’elles a été diplômée, celle à droite, et pour l’occasion elles ont porté des robes. Ce qui était très rare chez elles, et ça l’est toujours d’ailleurs.
Et je leur ai dit « refaisons une photo comme celle de l’année dernière, d’accord ? ». Elles m’ont répondu « oui, OK. » Elles se sont replacées dans le même ordre. Ça a été encore un heureux hasard. Et puis quand j’ai vu ces deux photos ensemble, c’est là où je me suis dit OK, allons-y, pour toujours, encore et encore.
Peut-on le refaire ? C’est en voyant ces deux photos que je me suis dit que c’était quelquechose de bien plus grand. Et donc, on le refait chaque année. C’est très représentatif. C’est un peu comme une rétrospective de l’ensemble de mes travaux.
Les premières photos datent du milieu des années 70 et la dernière photo date d’il y a un mois. On peut les dire « documentaires » mais c’est plus une question de style que d’intention. Regardez la photo de cet homme. C’est bien la preuve que, oui, cet homme était bien présent à cet endroit, à ce moment-là et voilà à quoi il ressemblait.
Ok, d’accord. Mais si la photo est vraiment bonne, c’est qu’elle montre aussi la maladie. Elle montre aussi les faiblesses d’un homme, l’affaissement de sa colonne vertébrale. Donc elle en dit plus que son seul aspect documentaire.
Disons que je photographie dans un style documentaire plutôt que comme documentariste. La plupart des photos documentaires m’ennuient. J’aime être proche. La plupart de mes artistes préférés sont proches de leurs sujets… mais je me rapproche encore plus.
Pourquoi ? Parce que c’est plus intense. Ça m’engage davantage. Tendre la main, toucher, ça devient plus personnel, plus vivant. Comment j’y parviens ? Oh je le fais, c’est tout. Je peux vous montrer si vous voulez.
J’ai ma chambre photographique juste là et je demande si je peux vous prendre en photo. On discute un peu et vous dîtes d’accord. Alors je déplace l’appareil sur son trépied jusqu’ici, je regarde par en-dessous le verre dépoli et je bouge l’appareil jusqu’à trouver le bon cadre.
Je ne suis pas encore assez près, alors je m’approche. Et je m’approche encore. Quand c’est bon, je dis « Ok on fait comme ça ». Je place le film dans la plaque, je retire le volet et prends la photo.
La chambre photographique, ça me permet d’être avec les gens. Et ça aide beaucoup. Je pourrais vous parler de chaque histoire qui accompagne toutes ces photos et des conversations qu’on a eu pendant que je faisais ces prises de vue.
Il s’appelle Charles Lascaux, on se connaissait bien. Et je lui ai dit « Allez, Charles, tu vas bien me donner un sourire aujourd’hui, tu veux bien ? Allez, donne-moi tout ce que tu peux. » Et voilà. C’était ce qu’il pouvait faire de mieux.
Donc pour moi, c’est un sourire. Pour le spectateur, on pourrait croire qu’il a l’air triste ou qu’il gémit. Mais j’aime vraiment cette photo car il m’a offert ce cadeau. Il est mort trois ou quatre jours plus tard.
Mais, vous savez, c’était un moment, à la fin de sa vie, où je lui disais qu’il comptait vraiment. Ça pourrait avoir lieu aujourd’hui comme il y a 20 ans. Des bébés naissent prématurément et voilà à quoi ils ressemblent.
Des femmes ont des maladies du sang. Certains enfants naissent attardés. Des femmes ont un cancer et, pourtant ,continuent d’avoir une sexualité avec leurs époux. Certaines personnes ont un enfant mort-né. Ces choses-là arrivent. Et j’ai eu cette chance de rencontrer des personnes qui ont bien voulu accepter.