
Anaïs Tondeur « Ce que les yeux ne saisissent »
- Exposition
- Lieu Galerie Le Château d'Eau
-
Public
- Tout Public
- À partir de 10 ans
- Tarif 3€ - 2€ - Gratuit - 6 ans
Cette exposition rassemble trois séries Fleurs de feux, Carbon Black and Chernobyl Herbanium.
VERNISSAGE le jeudi 5 juin à 18h
> VISITE de l'exposition avec l'artiste et la commissaire d'exposition Cristina Ferraiuolo : Samedi 7 juin à 14h
- Billet en ligne
Anaïs Tondeur, artiste engagée dans une nouvelle forme d’art politique associe des procédés analogiques du début de l’histoire de la photographie à des pratiques écologiques.
Dans cette démarche, elle explore de nouvelles façons de raconter le monde, porteuses de transformations de notre relation aux autres, au vivant et aux grands cycles de la terre.
Exposition présentée en collaboration avec Spot home Gallery de Naples - - Commissariat Cristina Ferraiuolo
Par des protocoles photographiques et sensibles, Anaïs Tondeur travaille à exposer l’intouchable dans des écosystèmes affectés par les activités anthropiques.
Elle interroge, à travers les mondes qui implosent, les interdépendances profondes qui relient nos existences humaines à la trame du vivant.
Toujours en quête de nouvelles alliances, elle développe une pratique en artiste de terrain, travaillant l’image comme une surface sensible par laquelle elle invite à rencontrer et penser êtres et éléments invisibilisés, leur donnant une agentivité, jusque dans la matérialité même du tirage.
« Dans la pratique d’Anaïs Tondeur, la photographie acquiert une signification à la fois matérielle et éthique. Plutôt que de représenter la pollution atmosphérique, la contamination nucléaire ou le stress induit par la toxicité des sols, elle laisse l’empreinte matérielle témoigner de la présence des substances létales dans l’air ou dans le corps des plantes. À mesure que la distance entre l’objet photographié et son support s’amenuise, l’engagement de l’artiste grandit : engagement à éviter toute idéalisation, à transformer ses œuvres en canaux d’expression du monde au bord du chaos. Le contact photographique se révèle alors à la fois tactile et empreint de tact.
Ses œuvres tracent un chemin vers d’autres formes de résistance: d’abord en enregistrant esthétiquement l’expérience indigeste – ou l’inexpérience – de la radioactivité, de la toxicité et des pollutions diverses, la transformant ainsi intérieurement pour la rendre assimilable ; ensuite, en rejoignant les plantes dans leurs propres efforts pour neutraliser les métaux lourds et les radionucléides, pour guérir la terre et soigner le monde.
Ni désespérées ni porteuses d’espoir, ses œuvres invitent à une autre approche de notre condition planétaire inéluctable, une approche à inventer et réinventer, par chaque spectateur touché par les traces du désastre, auxquels elles offrent un témoignage silencieux ».
Michael Marder
BIOGRAPHIE
Née en 1985. Travaille et vit à Paris.
Se penchant sur les matérialités invisibles de l’air et du climat, des plantes et des sols, Anaïs Tondeur développe des enquêtes par l’image comme outils anthropologiques. Elle saisit les images aux interstices des corps et des environnements, dans des sites marqués par l’activité humaine où elle cultive des engagements singuliers, pointant d’autres formes de relations et de matérialités photographiques.
Diplômée de la Central Saint Martin (2008) et du Royal College of Arts (2010) à Londres, nominée au Prix Pictet 2025, mention d’honneur des Amis du Jardin Albert Kahn (2024), lauréate du Grand Prix RPBB (2024), du Prix Photographie et Sciences, Résidence 1+2 (2023), du soutien à la mobilité artistique MIRA, Institut français (2023), du Prix Art of Change 21 et récipiendaire de la Mention d’honneur Cyber Arts, Ars Electronica (2019), elle a présenté et exposé son travail dans des institutions internationales telles que la Maison Européenne de la Photographie, Centre Pompidou (Paris), FR, MAMAC (Nice), Kröller-Müller Museum (Pays-Bas), Museum Ostwall, Dortmund U, Museum für Kunst und Gewerbe, (Allemagne), Kunst Haus Wien (Autriche), Chicago Art Center, Spencer Art Museum (USA), Choi Center (Beijing), Nam June Paik Art Center, Sungkok Art Museum (Corée du Sud).
“Anaïs Tondeur construit une nouvelle forme d'art engagé. Loin des utopies qui ont volé en éclat, il est un engagement dans le monde, d'autant plus politique que concret”…“Panser le monde pour mieux le re-penser et y ré-inclure l'humain, avec les autres —animaux, plantes, roches, eaux— est un des soubassements de la création de Tondeur.”
Annick Bureaud, ArtPress
Le lieu



RENCONTRE AVEC L’ARTISTE ET LA COMMISSAIRE D’EXPOSITION
L’artiste dévoile pour la première fois une exposition réunissant trois séries majeures : Noir de carbone, Tchernobyl Herbarium et Fleurs de feux. Chacune de ces œuvres explore ce qui échappe à notre regard — l’invisible, le négligé, le sensible — à travers une démarche photographique profondément ancrée dans des territoires marqués par des crises écologiques et sociales.
Dans Noir de carbone, l’artiste collabore avec des physiciens européens pour suivre les particules fines de carbone, ces poussières microscopiques qui voyagent sans frontières, atteignent l’Arctique et s’infiltrent jusque dans nos organes. En retraçant leur trajectoire, elle réalise des portraits du ciel et capture les particules dans des masques. Ces résidus deviennent ensuite matière première : transformés en encre pigmentaire, ils révèlent une corrélation troublante entre la pollution atmosphérique et l’intensité des noirs dans ses images.
La série Tchernobyl Herbarium s’inscrit dans une collaboration avec des biogénéticiens qui étudient la flore irradiée de la zone d’exclusion autour de Tchernobyl. Les plantes, légèrement radioactives, exposent elles-mêmes leur silhouette sur des feuilles photosensibles, révélant leur présence par leur propre rayonnement. Le philosophe Michael Marder, dont l’histoire personnelle est liée à Tchernobyl, accompagne ce projet par des fragments textuels qui prolongent la réflexion sur la mémoire, la mutation et la résilience végétale dans un environnement extrême.
Enfin, Fleurs de feux nous transporte dans la “Terre des feux”, une région située près du Vésuve, où des déchets toxiques ont été enfouis et incinérés clandestinement. L’artiste y travaille avec des plantes rudérales, capables de produire du phénol en réaction aux métaux lourds présents dans le sol. Ce phénol devient révélateur photographique, permettant une pratique moins toxique et plus respectueuse du vivant. En exposant des textiles photosensibles avec ces plantes, elle crée une “écriture végétale” et initie une correspondance interespèce, adressant des lettres philosophiques aux plantes elles-mêmes.
À travers ces trois séries, l’artiste développe un “regard comme un égard” : une attention profonde aux êtres invisibilisés, une cohabitation respectueuse dans la “zone critique” de la Terre. Son travail incarne un geste politique subtil, non frontal, mais sensible, poétique et incarné — une manière de faire dialoguer art, science et philosophie pour mieux comprendre notre monde et ses fragilités.