Exposition Alexander Gronsky 17 janv. – 23 mars 2025

Fermetures exceptionnelles de la bibliothèque : Le mardi 28 janvier à 16h et le 4 février.

Du mardi au dimanche de 11h à 18h au 58 allées Charles de Fitte (nouveau lieu pendant la durée des travaux).

Janvier / février à la bibliothèque

Modifié le :

1 mois 1 thème : Intelligence artificielle et pratique photographique

L’intelligence artificielle générative (ou IA générative) est un système d’intelligence artificielle capable de créer du texte, des images, des vidéos, etc. L’impact de plus en plus grandissant de ces modèles d’IA sur notre culture visuelle tend à remodeler les pratiques artistiques contemporaines et le statut même de l’image. Face à ces questionnements majeurs la bibliothèque vous propose quelques éléments de réponse, en vous permettant de découvrir le travail de photographes ayant intégré dans leurs pratiques cet outil.

couverture du livre de  Charlie Engman Cursed

Charlie Engman, Cursed, Mack, 2024

Charlie Engman (États-Unis,1987) a découvert les pouvoirs de l’IA en utilisant Midjourney, programme d’intelligence artificielle générative créé en 2022. Issu du monde de la mode cet artiste iconoclaste a réalisé des campagnes pour des marques comme Prada, Hermès, Stella McCartney ou Vivienne Westwood, en insufflant dans ses créations une étrangeté non dénuée d’humour. Il ne lui en fallait pas plus pour s’approprier de façon instinctive l’IA afin de pousser encore plus loin ses fictions narratives incongrues. Cursed nous donne à voir des personnages aux corps hybrides et inquiétants s’escrimant dans des situations absurdes, chimères improbables évoluant dans un monde peu rassurant. Un imaginaire pas tout à fait réel, mais suffisamment concret pour provoquer à la fois une curiosité malaisante ou un rejet presque organique de ces compositions photographiques déroutantes. 

Weronika Gęsicka, Encyclopedia, Blow up Press, 2024

L’artiste polonaise Weronika Gesicka (née en 1984) s’est consacrée depuis 2023 à un projet fastidieux : chercher dans des lexiques, dictionnaires ou encyclopédies diverses depuis le XVIIIe siècle les fausses entrées (créées initialement dans le but de mieux débusquer le plagiat en cas de réimpressions illégales), pour ensuite les soumettre à des logiciels d’intelligence artificielle, afin de donner une représentation visuelle de ces termes inventés. Son encyclopédie fantasmée est ainsi construite par des événements, personnages, objets factices ou animaux improbables  : monstres aquatiques ou oiseaux à une aile, inondation de rue à la bière ou société secrète mongole, etc. Légendes à l’appui, l’artiste pourrait illustrer de façon farfelu le metavers d’un Siècle des Lumières qui ne s’embarrasserait pas de véracité ou de crédibilité scientifique. 

couverture du livre de Weronika Gęsicka, Encylcopedia
couverture du livre de Éric Tabuchi, The third Atlas

Éric Tabuchi, The third Atlas, Poursuite Éditions, 2023

Entièrement conçu avec la version 5 de Midjourney, The third Atlas fonctionne comme un miroir déformant de réalités architecturales que l’auteur s’attache depuis plusieurs années à photographier dans sa série ARN (Atlas des Régions Naturelles). Éric Tabuchi (France, 1959) a entrepris avec Nelly Monnier de documenter depuis 2017 tous types de constructions présentes en France, région par région. Un projet toujours en cours, qui coexiste avec Atlas of Forms (2017), compilant lui toutes sortes de formes architecturales trouvées sur Internet. Ce troisième atlas propose plutôt des monuments improbables, maisons biscornues ou autres concrétions étranges renvoyant à un « surréalisme 3.0« , et illustrant une « fable postapocalyptique commençant par une explosion nucléaire, celle-ci figurant la déflagration à laquelle le monde de la photographie [vient] de faire face« , comme le souligne l’auteur. 

Yves Marchand et Romain Meffre, Les ruines de Paris, Albin Michel, 2024

Le duo de photographes, spécialiste de l’exploration de lieux abandonnés (« urbex »), propose ici une version parisienne de la série dystopique The last of us (Neil Druckmann et Craig Mazin, 2023), Pedro Pascal et les infectés en moins. Marchand et Meffre ont imaginé avec l’aide de l’IA Paris en ruine, vidée de ses habitants, comme si la vie s’était brusquement arrêtée à la suite d’une grande catastrophe. On suppose une certaine jouissance de la part des auteurs à détruire minutieusement les hauts lieux de la culture française et de son tourisme, comme le Centre Pompidou, la Tour Eiffel ou les quais de Seine, transformant la capitale en une ghost town envahie par la végétation. L’utilisation de l’IA relève ici d’une anticipation plus que crédible (comme une extrapolation de la pandémie due au Covid) et donc forcément plus inquiétante.

couverture du livre de Yves Marchand et Romain Meffre Les ruines de Paris
couverture du livre de Ann Massal, Photo against the machine

Ann Massal, Photo against the machine, JBE Books / MEP, 2024

Ann Massal a choisi vingt-cinq œuvres de photographes parmi la collection de la Maison Européenne de la Photo, et les a soumises à ChatGPT 4 à travers des questions soigneusement étudiées. L’artiste a imaginé une conversation avec la machine sur le travail de photographes renommés, d’Araki à Coco Capitán, en passant par Viviane Sassen, Boris Mikhaïlov, William Klein, ou bien encore Irving Penn. Les questions posées concernent autant la pratique que la manière que chaque artiste a d’aborder le médium, et donnent des réponses mécaniques ou incongrues, parfois fausses, ChatGPT confondant des patronymes. Une IA qui a bien évidemment réponse à tout, comme pour savoir si le journal photographique Sentimental Journey d’Araki a été inspiré par la chanson de Doris Day du même nom. Une relecture ludique de l’histoire de l’art par un algorithme manipulé intelligemment par Ann Massal. 

Revue Foam n°66, « Photography through the lens of AI, Missing mirror », 2025

Ce numéro balaie de nombreuses questions posées par l’influence de plus en plus présente de l’IA dans notre culture visuelle, d’une utilisation créative (Juan Manuel Lara, Brea Soulders, Clément Lambelet ou Leda Sadotti) à la manipulation idéologique à travers les deep fakes (Gideon Jacobs et Michael Safi), ou de son impact écologique, etc. Si Ágnes Ferencszi nous présente en détail l’histoire et le développement de l’IA, le dossier « Master of monsters » invite Milo Keller, responsable de la photographie à l’ECAL (Université des Arts et du design à Lausanne), à réfléchir sur la manière dont ces progrès technologiques exponentiels sont intégrés dans les programmes d’études. Une réflexion apportée par des artistes et penseurs contemporains, eux-mêmes digital native, sur ces programmes d’intelligence artificielle générateurs d’images. 

couverture de la revue Foam n°66

Pour aller plus loin

  • Exposition « le monde selon l’IA », au Jeu de Paume, du 11 avril au 21 septembre 2025. Commissaire général : Antonio Somaini.
  • La Biennale Images Vevey, événement d’arts visuels basé en Suisse, focalisée sur la photographie contemporaine, avait pour thème en 2024 « le fossé inédit creusé par les technologies digitales entre passé, présent et futur« . Plus d’une cinquantaine de projets présentés par des artistes du monde entier étaient exposés dans toute la ville.
  • L’exposition « IA : Double jeu » du Quai des Savoirs proposait « l’actualité des recherches et développements autour de l’intelligence artificielle » et permet de se documenter au sujet de l’IA à travers plusieurs dossiers et la découverte de travaux d’artistes contemporains (dont celui de Karin Crona et ses autoportraits réalisés avec l’IA). 

Les livres que vous avez (peut-être) manqués en 2024

couverture du livre de  Gregory Halpern, King, queen, knave

Gregory Halpern, King, queen, knave, Mack, 2024

Le photographe américain Gregory Halpern (né en 1977)  propose une série de photographies réalisées sur vingt ans dans sa ville natale de Buffalo (État de New York), et dans ses environs. Une balade sentimentale constituée d’images disparates, entre portraits mélancoliques d’habitants et paysages soumis aux saisons, détails architecturaux ou autres compositions ténues, à l’image de cet oiseau fragile et ébouriffé, entouré de pétales de fleurs roses fanées. Une chronique des jours qui passent magnifiée par une subtile utilisation de la lumière et des couleurs, certaines photographies s’approchant d’un pictorialisme contemporain. Une étrangeté se dégage également, comme si Buffalo était sous influence lynchéenne, donnant au quotidien de sa ville un aspect intemporel, les habitants semblant figés dans leurs actions. 

Claudine Doury, Solstice, Origini Edizioni, 2024

Le solstice d’été du 21 juin, jour le plus long de l’année, est particulièrement célébré par les peuples du Nord et de l’Est de l’Europe. L’auteure se rend depuis dix ans sur l’île du lac Ives au Belarus, en Lituanie et dans la campagne polonaise pour assister à ces rituels païens dédiés à la nature et aux forces telluriques. Cette « nuit de Kupala » (en polonais) est illuminée de brasiers et de jeunes filles en costumes traditionnels dansant dans les bois, ou flottant immobiles dans des rivières, des couronnes de fleurs dans les cheveux. Claudine Doury réussit à traduire l’atmosphère de conte onirique dans ses photographies, laissant affleurer une douceur imprégnée de fantastique, proche d’une peinture préraphaélite ou d’un impressionnisme nocturne. Les corps ne semblent faire qu’un avec la nature, tout entier absorbés par leurs rites initiatiques.  

Couverture du livre de Claudine Doury, Solstice
couverture du livre de Chiara Indelicato, Pelle di lava

Chiara Indelicato, Pelle di lava, Palais Books, 2024

Chiara Indelicato (née en 1987) est une photographe habitant Stromboli, à qui elle dédit ce livre. Le 12 août 2022 une catastrophe naturelle a ravagé l’île : des pluies torrentielles ont provoqué des coulées de boue qui ont atteint le village. Un souvenir cicatriciel pour l’auteure qui a vécu le drame dans sa chair, perdant notamment tous ses négatifs photo. « Le reste n’est que rage et histoire » nous dit-elle, et le livre enregistre « les voix du volcan« , et se construit comme une ode à la nature de l’île et à son histoire. Des textes à tonalité poétique accompagnent des images argentiques développées avec du café, de la vitamine C puis de l’eau de mer donnant un rendu particulier, vieilli. Pelle di lava est également un vibrant appel à une conscience écologique que chacun doit avoir (elle-même a banni les produits chimiques photo), afin de préserver une nature de plus en plus menacée.  

Arnaud Robert et Paolo Woods, Happy pills, delpire & co, 2024

Le journaliste Arnaud Robert et le photographe Paolo Woods ont parcouru le monde pendant cinq ans à la recherche de personnes dépendantes aux médicaments : soit pour améliorer ses capacités intellectuelles, physiques, sexuelles, ou pour tout simplement alléger une douleur, réguler un métabolisme déficient. L’ouvrage documente précisément toutes les formes de pratiques liées à la consommation de pilules, à travers des histoires personnelles et des statistiques plus larges, décortiquant le monde merveilleux délivré par des industries pharmaceutiques surpuissantes. Les photographies de Paolo Woods s’entremêlent aux publications tirées de réseaux sociaux (Instagram, Grindr, Facebook) ainsi qu’aux images issues de leur film du même nom. Tout cela compose un ouvrage fouillé à la tonalité pop, les deux auteurs n’ayant pas oublié d’y insuffler un humour cicatrisant.  

couverture du livre de Arnaud Robert et Paolo Woods, Happy pills
couverture du livre de Philippe Baudouin, Posthume

Philippe Baudouin, Posthume, Cernunnos, 2024

La photographie post-mortem fut en vogue à la fin du XIXe siècle, faisant des corps sans vie l’objet d’une mise en scène étudiée, pratique destinée à fixer le souvenir impérissable de personnes aimées. Cela allait du portrait d’endimanchés étendus paisiblement dans des cercueils ou des lits, à des parents enlaçant une ultime fois leur bébé mort, comme bercé par un sommeil éternel. Issues de la collection de Hervé Bonhert, le livre présente plus de cent photographies vernaculaires provenant du monde entier, et décortique les différents rituels mis en place pour représenter la mort dans ses plus belles dentelles. Des textes passionnants renseignent chaque chapitre, laissant le lecteur, au-delà de la curiosité morbide que procurent ces images, apprécier à sa juste valeur la maxime latine memento mori, « souviens-toi que tu vas mourir« . 

Jean-Michel André, Chambre 207, Actes Sud, 2024 

L’ouvrage, Prix Nadar 2024, revient sur un fait divers terrible : une tentative de hold-up dans un hôtel d’Avignon le 5 août 1983 par des « malfaiteurs sans envergure » qui a dégénéré en carnage, faisant sept morts, dont le père de l’auteur. Jean-Michel André, âgé à l’époque de sept ans, tente de reconstituer ce passé traumatique en revisitant les lieux quarante ans après. Les photographies actuelles s’accompagnent d’archives diverses (dépêches AFP, articles de journaux, etc.) et d’extraits de son album de famille donnant un tout autre aspect à l’affaire de « la tuerie du Sofitel d’Avignon« . L’auteur reconstruit d’une façon intimiste et touchante sa mémoire perdue, amnésie due à la violence des faits. Il va également aller en Corse, la destination de vacances prévue par sa famille en ce mois d’août 1983, si le pire n’était pas arrivé.  

couverture du livre de Jean-Michel André, Chambre 207
couverture du livre de Diana Markosian, Father

Diana Markosian, Father, Atelier EXB, 2024   

Father délivre les retrouvailles d’une fille avec un père qu’elle n’a pas revu depuis quinze ans. Séparée avant sa naissance à Moscou, la famille s’est exilée ensuite aux États-Unis, coupant définitivement les ponts avec lui. Les souvenirs sur papier vont également disparaître, sa mère l’effaçant à coups de ciseaux sur les photos familiales. Diana Markosian (née en 1989) va le retrouver en Arménie, où l’homme a refait sa vie, sans pour autant oublier sa fille, à qui il a adressé des centaines de lettres qui ne sont jamais parvenues. L’ouvrage entremêle les archives résumant la recherche paternelle, courriers envoyés aux ambassades et à la police, avec les clichés de cet inconnu dans son appartement en Arménie. De brèves phrases issues du journal de l’auteure décrivent les moments compliqués passés avec cette figure insaisissable : « Souvent, je ne sais pas comment je dois me comporter avec lui« .   

Laia Abril, On mass hysteria, delpire & co, 2024 

L’artiste-chercheuse catalane Laia Abril (Barcelone, 1986) présente le dernier volet de son travail consacré à l’histoire de la misogynie, après On abortion (2016) et On rape en 2020. Elle analyse ici les représentations liées à ce que l’on nommait auparavant « l’hystérie collective », et aujourd’hui « les maladies psychogènes de masse ». Celles-ci concernent principalement les communautés d’adolescentes ou de femmes évoluant dans des lieux fermés (pensionnats, lycées, usines). Pour expliquer ces transes, évanouissements ou anxiété morbide, Laia Abril remet en cause le pouvoir de la médecine occidentale pour se diriger vers l’anthropologie, optant pour « une optique intersectionnelle qui inclut les croyances animistes et spirituelles, les traumatismes transgénérationnels et l’expression psychosomatique de la souffrance« . Elle s’appuie sur des études précises de cas provenant de tous les continents. 

couverture du livre de  Laia Abril, On mass hysteria

Classiques à voir et à revoir 

couverture du livre de  Miyako Ishiuchi, Postwar shadows

Miyako Ishiuchi, Postwar shadows, Getty Publications, 2015     

Le travail de la photographe japonaise Ishiuchi Miyako (née en 1947), lauréate de l’édition 2024 du prix Women in Motion, se focalise sur la mémoire et les effets du temps sur les objets et les corps. Le catalogue d’exposition résume sa carrière de façon chronologique, des débuts en 1977 avec « Yokosuka Story », où elle documente la vie de cette base navale américaine dans un noir et blanc charbonneux et contrasté, à la série emblématique  ひろしま/hiroshima, composée d’objets et vêtements déchiquetés ayant appartenus aux victimes de la bombe atomique américaine, en passant par l’inventaire de tous les objets et vêtements de sa mère disparue (« Mother’s », 2005). Une œuvre à la fois sombre et charnelle à redécouvrir, qui explore minutieusement les stigmates du temps, qu’elles soient rides, cicatrices ou sur des objets inanimés, car pour elle « tout ce qui a une forme finit par disparaître« . 

Letizia Battaglia, Life, love and death in Sicily, Contrasto Books, 2024  

« Je conseille de photographier de très près, à la distance d’un coup de poing ou d’une caresse« . Letizia Battaglia (1935-2022) est célèbre pour son travail sur la Cosa nostra, Mafia sicilienne qui fut tristement célèbre dans les années 70/80 sous le règne sanguinaire de son chef, « Toto » Riina, surnommé « La Belva » (La Bête). Elle va immortaliser dans un noir et blanc expressif et aux cadrages serrés Palerme et ses scènes de crime mafieux, et la vie quotidienne miséreuse des habitants de sa ville. Des images violentes de ce que l’on a nommé les « années de plomb », qui vont cumuler en1992 avec l’assassinat de ses amis les juges anti-mafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Un témoignage militant, pour cette photojournaliste autodidacte qui s’est toujours battue contre « la Pieuvre » (elle a été adjointe du maire de Palerme puis députée au Parlement régional de Sicile), et qui reste toujours aussi puissant de nos jours. 

couverture du livre de Letizia Battaglia, Life, love and death in Sicily
couverture du livre Dolores Marat

Dolorès Marat et Magali Jauffret, Dolores Marat, Delpire, 2024    

Cette monographie résume la carrière de la photographe Dolorès Marat (France, 1944), dont l’œuvre se distingue par des tirages Fresson au charbon, procédé découvert par l’auteure en 1983. Son appétence pour la tombée de la nuit ou le lever du jour façonne également son travail, donnant une atmosphère particulière à des clichés souvent énigmatiques, renforcée par l’utilisation du flou. Un univers onirique s’accordant parfaitement aux chaudes couleurs découlant du tirage Fresson. Ciels aux couleurs étranges, ombres envahissant l’image, animaux ou personnes esseulés dans un monde qui parfois prend des tonalités surréalistes, tous ces instants sont capturés tels quels, Dolores Marat ne retouchant ni recadrant ses photographies. Une poétique du quotidien se dessine alors, dans cette expression d’une errance nocturne des rencontres. 

Grandes expositions

couverture du livre de Tina Barney, Family ties

Tina Barney, Family ties, Atelier EXB/ Jeu de Paume, 2024       

Née en 1945 la photographe américaine Tina Barney a photographié la haute bourgeoisie américaine dont elle est issue, offrant le portrait d’une classe sociale privilégiée. Son regard acéré, à la fois empreint d’empathie et de froide distance s’exprime par des clichés couleur grand format à la composition étudiée, se focalisant sur des gestes et des postures, et magnifie la banalité des scènes choisies : remise de diplôme, petit-déjeuner, réunions familiales ou autres anniversaires de bambins dans des salons un peu trop surchargés. Un « paradis WASP » qu’elle observe volontairement sans critique de classe, mais avec un regard décalé que l’on pourrait parfois rapprocher de l’univers d’un Bret Easton Ellis et de son univers preppy dévoyé. Des images finalement pas si classique que ça, Tina Barney trouvant toujours la bonne distance avec son sujet photographié. 

Exposition déroulée du 28 septembre 2024 au 19 janvier 2025 au Jeu de Paume, Paris. 

Close enough, Kehrer, 2024        

Close enough présente le travail de treize femmes photojournalistes membres de l’agence Magnum. Aux côtés de photographes reconnues comme Susan Meiselas, Alessandra Sanguinetti, Cristina de Middel ou Bieke Depoorter ce catalogue d’exposition permet surtout d’apprécier le travail d’auteures émergentes. Comme l’allemande Nanna Heitmann (née en 1994), basée à Moscou, et qui a couvert l’invasion ukrainienne, également préoccupée par les questions d’environnement et de changement climatique ; ou bien encore Sabiha Çimen (Turquie, 1986), photographe autodidacte dont la série « Hafiz » traite de la vie quotidienne de jeunes filles dans les écoles coraniques en Turquie. Quant à Lúa Ribeira (Espagne, 1986), sa série « Agony in the garden » (2022) prend pour objet de départ la scène émergente de la musique trap et drill en Espagne. 

Exposition présentée au Museum Helmond, Pays-Bas (jusqu’au 23 mars 2025).  

couverture du livre close enough
couverture du livre Picturing the border

Picturing the border, Yale University Press, 2024      

Ce catalogue d’exposition présente de nombreuses photographies prises à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, des années 1970 aux années 2020, par une quinzaine de photographes latinos, chicanos et mexicains. Un décentrement du regard salutaire, qui propose autre chose que le récit réducteur des affrontements violents entre migrants et patrouilles frontalières communément véhiculés par les médias (souvent américains). Des représentations beaucoup plus riches et nuancées qui envisagent les thématiques liées à l’identité, la citoyenneté ou l’exil à travers le regard d’artistes aux univers variés allant du documentaire au portrait intimiste, en passant par l’installation, etc. Il permet de découvrir le travail d’artistes émergents comme ceux d’Ada Trillo, Guadalupe Rosales ou Miguel Fernández de Castro

Exposition présentée au Cleveland Museum of Art du 21 juillet 2024 au 5 janvier 2025. 

Penser la photographie 

couverture du livre de Danièle Méaux, Quand la photographie pense la forêt

Danièle Méaux, Quand la photographie pense la forêt, Filigranes Éditions, 2024   

Danièle Méaux s’est penchée ici sur la fascination qu’ont les photographes pour la forêt, à la fois écosystème complexe et puissant élixir mythologique. Elle analyse la question en se référant à un choix de photographies des années quatre-vingt à nos jours, que ce soit par l’histoire du paysage forestier et de ses modifications (notamment par le travail de Thierry Girard, Beatrix Von Conta, Sophie Ristelhueber ou Danien Quesney), ou par une histoire de ses représentations. Cette dernière approche, plus fragmentaire et intimiste, s’illustre dans les installations de Chrystel Lebas et de Thomas Demand, ou encore dans les impressions sur feuilles d’arbres de Patrice Dion, etc. Une réflexion heuristique qui s’inscrit dans une perspective écologique, à l’heure de la surexploitation des sols ou la déforestation, et des luttes afférentes pour préserver ce précieux environnement naturel. 

Jeune photographie 

couverture du livre de Arielle Bobb-Willis, Keep the kid alive

Arielle Bobb-Willis, Keep the kid alive, Aperture, 202       

Keep the kid alive est la première monographie d’Arielle Bobb-Willis, jeune photographe noire américaine née en 1994, proposant un univers coloré et glossy influencé par les codes de la photographie de mode. Ses tableaux particuliers mettent en scène des modèles noirs « représentés de manière abstraite« , dans les rues de la Nouvelle-Orléans, New York ou Los Angeles dans des poses dynamiques, proches d’une gestuelle de danseurs, le visage souvent caché.  Le tout devant des palissades vertes ou des murs bleus ou mauves. L’artiste déclarait : « J’aime trouver des arcs-en-ciel inattendus, du soleil, un beau parc verdoyant, des dessins d’enfants à la craie sur le trottoir, de la crème glacée fondue, des papillons, des fleurs, des filles noires avec des tresses bleu vif (…)« . 

Vanessa Chambard, Bergères, Arnaud Bizalion Éditeur, 2024         

La jeune artiste photographe française, née en 1984, travaille régulièrement pour la presse (le MondeLibérationLe Parisien MagazineGrazia, etc.), et s’adonne depuis 2009 à un travail plus personnel, à l’image de sa première monographie, Bergères. Ce leporello célèbre les joies du pastoralisme, pour celle qui est devenue gardienne de brebis en Ardèche à l’âge de trente-six ans. Textes et photographies illustrent cette expérience symbolisant une liberté retrouvée et, au-delà du reportage, d’exprimer une vision politique du monde. Écologie et protection environnementale, féminisme et conscience individuelle donnent la tonalité à ses textes, accompagnant la description de la vie quotidienne en montagne d’Evy, Hélène et Guilaine, ses amies également bergères. 

couverture du livre de  Vanessa Chambard, Bergères
couverture du Numéro 007 septembre 2024.
Numéro 007 : L’eau, septembre 2024. Couverture Hippolyte Cail.

Revue Premier Exemplaire Magazine, 2025

Premier Exemplaire Magazine (« Le magazine PAR la jeune photographie, POUR la jeune photographie !« ) a été créé en 2023 par Maëva Benaiche, lauréate du Grand Prix Photographie de l’ETPA en 2021. Initialement éditée en ligne, cette jeune revue indépendante et sans publicité possède une version papier depuis septembre 2024. Premier Exemplaire privilégie la photographie émergente et donne la primauté aux portfolios. Chaque numéro propose un thème envisagé par dix photographes, et fonctionne par appel à contributions. Au sommaire de ces premiers numéros imprimés : les quatre éléments primordiaux (l’eau, la terre, l’air et le feu).