Exposition Richard Pak « La Firme » > 24 oct. 2024 – 5 janv. 2025 – Fermetures exceptionnelles à 16h les 24 et 31 décembre.
Du mardi au dimanche de 11h à 18h au 58 allées Charles de Fitte (nouveau lieu pendant la durée des travaux).
Le printemps 2024 à la bibliothèque
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1 mois 1 thème : Portrait d’une ville
La collection Louis Vuitton
Le malletier parisien, fidèle à sa tradition de voyages, a initié en 2016 la collection Fashion Eye, mettant « en lumière une ville, une région ou un pays à travers le regard d’un photographe de mode« . Près de quarante-cinq ouvrages ont désormais vu le jour, et mêlent les travaux de photographes émergents et reconnus. Voici une courte sélection illustrant une pluralité de regards et de styles, et transfigurant les villes abordées.
Omar Victor Diop, Deauville, 2023
Cet ouvrage est le produit d’une résidence artistique effectuée pendant un an par Omar Victor Diop (Dakar, 1980) à Deauville, chic et romantique station balnéaire bercée par le souvenir du film de Claude Lelouch, Un homme et une femme (1966). Mais les subtiles mises en scène du photographe transposent la ville ailleurs, plutôt du coté des fantaisies colorées d’un Wes Anderson. Avec toujours une réminiscence de son identité sénégalaise, par la présence énigmatique de personnages africains habillés en tenues traditionnelles, seuls individus habitant des espaces vides et silencieux. Omar Victor Diop propose une ville à la beauté architecturale comme recomposée dans son esprit, et nimbée de couleurs irréelles et acidulées. Déambuler avec lui parmi les bâtiments à colombages et les « rues impeccablement manucurées » devient alors une expérience unique, illustrant « le théâtre de [ses] mélancolies de dakarois en terre normande« .
Sarah Van Rij, Seoul, 2023
La photographe néerlandaise Sarah Van Rij (Amsterdam, 1990) offre un portrait de la capitale de la Corée du sud tout en reflets, ombres et détails. Sous son regard Séoul se découvre par bribes, comme à la dérobée. Car son objectif capte essentiellement les détails urbains, les pas des passants pressés sur le bitume, jouant avec les lignes et les formes urbaines. Cette intemporalité voulue des images est renforcée par l’absence quasi systématique de visages, la jeune artiste préférant photographier le ballet de corps anonymes. Les clichés de Sarah Van Rij secrètent une poésie urbaine empreinte d’une mélancolie douce tranchant avec l’image de surmodernité véhiculée par cette ville tentaculaire. Le livre se compose d’images en couleur et en noir et blanc, ces dernières étant imprimées sur papier calque japonais. Sarah Van Rij travaille également pour des magazines tels que le New York Times, ainsi que pour différentes éditions de Vogue, et des marques de luxe comme JACQUEMUS ou Hermès.
Coco Capitán, Trans Siberian, 2022
Le chemin de fer du Transsibérien est un réseau de voies ferrées russes qui relie Moscou à Vladivostok sur plus de neuf mille kilomètres. Suivant le 55e parallèle il fut imaginé par le Tsar Alexandre III en 1890, et terminé en 1916. La photographe espagnole Coco Capitán (Séville, 1992) va prendre le train en gare de Moscou pour descendre à Oulan Bator en Mongolie, sans pouvoir atteindre Pékin, pour cause de pandémie. Coco Capitán agrémente ses photographies de voyage par des aphorismes rédigés dans son écriture manuscrite, mais délaisse ici ses mises en scènes habituellement teintées d’un humour absurde contemporain. Place à l’imaginaire d’un road trip traversant les immensités désertiques de Sibérie. Une expérience radicale qu’elle avoue avoir vécue, contrainte, sans beaucoup de contacts humains, jusqu’à la rencontre d’habitants de Mongolie. Un carnet de voyage en couleur imaginé de la fenêtre d’un train lui-même dépeuplé, traversant des gares et des paysages gelés.
Paul Rousteau, Geneva, 2018
Sous le regard du photographe français Paul Rousteau Genève revêt un caractère onirique insoupçonné, la vénérable ville suisse se transformant par magie en un Éden rousseauiste contemporain. Paul Rousteau (né en 1985) célèbre la couleur et l’abstraction des images, l’artiste retravaillant également ses clichés par des touches de peinture, essayant dans son travail « de montrer l’invisible« . Geneva ne déroge pas à la règle. A travers cette vision floutée et impressionniste le lac Leman apparaît, ainsi que sa fameuse colonne d’eau, mais comme figés dans un rêve. Cette atmosphère si particulière est hantée par des divinités gréco-romaines disséminées dans la ville, baigneuses de pierre impassibles faisant écho aux adolescents capturés aux Bains de Pâquis, les deux figures semblant se confondre dans une même mythologie contemporaine. Une vision tout en douceur de Genève, par un amoureux de la couleur et des peintres tels que Monet, Matisse, Derain ou Bonnard.
Kishin Shinoyama, Silk road, 2018
Silk road est constitué d’une sélection d’images tirées d’une édition en huit volumes initialement publiés en 1981 et 1982, au rythme d’un tous les deux mois. Chaque volume représentait un pays visité par le photographe japonais, l’itinéraire étant calqué sur la fameuse « route de la soie », réseau complexe de routes commerciales qui fut créé au premier siècle av. J.-C et ralliant l’Extrême-Orient et l’Europe. Kishin Shinoyama (1940-2024) va ainsi traverser de nombreux pays : Chine, Afghanistan, Iran, Turquie, Syrie, Pakistan, Japon et Corée du sud. Un travail de reportage, enregistrant la vie des populations traversées : les scènes de la vie quotidienne se succèdent, qu’elles soient sur des marchés, dans les champs, ou dans des lieux de culte. C’est également le témoignage d’une époque révolue, le photographe ayant immortalisé les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, détruits en 2001 par les Talibans, ou l’ancien site de Palmyre en Syrie pratiquement rasé par l’Etat Islamique en 2015.
Henry Clarke, India, 2016
Dans les années 1960 l’américain Henry Clarke (1918-1996) va travailler pour plusieurs éditions de Vogue, et inventer une nouvelle esthétique dans la photographie de mode : Il va sortir les mannequins des studios pour les emmener à travers le monde et plus particulièrement dans les pays d’Asie et du Proche-Orient, réalisant des reportages entièrement en couleur. Ses photographies témoignent avec élégance de l’envie d’exotisme propre à cette époque résolument optimiste. Les top models occidentaux à la plastique rehaussée de poudres, hennés ou autres bronzages factices prennent la pose dans des décors de temples hindous ou de déserts accablés par le soleil. Elles syncrétisaient dès lors une mode indienne revisitée à la sauce pop sixties, un « Jaipur look » prisé par les lectrices chics du magazine Vogue coincées dans leur grisaille parisienne ou londonienne, et rêvant d’un ailleurs ensoleillé.
Guy Bourdin, Miami, 2016
Cet ensemble de photographies résume entre autres commandes la campagne publicitaire effectuée en Floride, à Miami, par Guy Bourdin (1928-1991) pour la marque Charles Jourdan. L’hôtel Fontainebleau sur le front de mer à Miami Beach sera son lieu de séjour pour deux mois en cette fin d’année 1977, mais aussi le décor idéal pour son shooting. Guy Bourdin va judicieusement utiliser l’architecture du bâtiment de style « Miami Modern », et son atmosphère étrange et surannée en incluant tous les signes visuels d’une culture américaine qu’il adore. Son style va s’exprimer pleinement : utilisation du grand angle et de cadrages serrés, saturation des couleurs et mises en scène cinématographiques, visions surréalistes ou transgressives. Le Fontainebleau devenant le décor parfait pour les rêveries lynchéennes du photographe, maintes fois imitées par la suite dans le domaine de la photographie de mode et de publicité.
Collectif Tendance Floue, Villes du monde, 2020
Cet imposant ouvrage (592 pages) est issu d’une commande passée par Louis Vuitton au collectif Tendance Floue pour les campagnes du City Guide Louis Vuitton de 2013 à 2019. Les quatorze photographes ont capturé trente villes à travers le monde, chacun dans leur style propre. Il en résulte un foisonnement d’images en couleur et noir et blanc, croisant approches documentaires et visions subjectives radicales, le collectif réussissant à traduire l’énergie et les pulsations chaotiques des villes, toujours en perpétuel mouvement. Tendance Floue, fidèle à son geste artistique proche de la performance, illustre ainsi les huit rubriques du guide pour rendre compte de toutes les singularités propres à Rome, Paris ou Tokyo, qu’elles soient fragments d’architectures complexes, foules de passants pressés, portraits d’anonymes, ou panoramiques de buildings surplombant une baie.
Grandes expositions
Collectif, La France sous leurs yeux, BnF, 2024
Issu d’une grande commande publique cet ouvrage regroupe le travail de deux cent photojournalistes mandatés pour établir « un panorama de la France au sortir de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19« . Une vision kaléidoscopique de la France contemporaine s’offre à nos yeux, abordant tous les prismes, comme la notion d’appartenance à un territoire, ou les pratiques sociologiques des différentes classes d’âges. Un état des lieux qui rend également compte des mutations de la société française face aux grands enjeux de notre siècle : production alimentaire, politiques migratoires, crise écologique, spiritualité ou identité des genres, etc. Regroupé en quatre thématiques intitulées « Libertés, Égalités, Fraternités et Potentialités » ce précieux document s’inscrit dans l’histoire des expositions de la BnF consacrées à cette radioscopie de notre pays, depuis La France de Raymond Depardon (2010) jusqu’à Paysages français, une aventure photographique (1984-2017).
Exposition La France sous leurs yeux, 200 regards de photographes sur les années 2020. Bibliothèque nationale de France – Site François-Mitterrand, Paris 13e. Jusqu’au 23 juin 2024
Francesca Woodman and Julia Margaret Cameron : Portraits to Dream, National Portrait Gallery, 2024
Ce catalogue d’exposition couvre la carrière artistique de deux photographes renommées en établissant des connexions entre elles, fussent-elles ténues. Ainsi, le style précurseur de la photographe victorienne Julia Margaret Cameron (1815-1879) se confronte à celui de la new-yorkaise Francesca Woodman (1958-1981), icone de la photographie performative contemporaine. Cette dernière, suicidée à l’âge de 22 ans, va créer une œuvre unique, centrée sur la mise en scène de son corps dénudé évoluant parmi des décombres, comme un fantôme flottant dans un monde intermédiaire. Cameron, au XIXe siècle, va s’adonner à des expérimentations aux compositions historiques, littéraires ou allégoriques, jouant parfois avec le flou ou le gros plan, à travers le portrait de ses contemporains. Un art également précurseur, unique, et ayant durablement marqué l’histoire de la photo. Le catalogue, richement illustré, se compose de dix sections thématiques (Mythology, Nature and feminity, The Dream space, etc.) et s’agrémente d’archives inédites et d’essais de Katarina Jerinic et Helen Ennis.
A voir jusqu’au 16 juin 2024 à la National Portrait Gallery (Londres, Angleterre)
Classiques à voir et à revoir
Christer Strömholm, Dewi Lewis Publishing, 2024
Christer Strömholm (1918-2002) est considéré comme le père de la photographie suédoise contemporaine, et plus largement comme l’une des figures majeures de l’histoire de la photographie. C’est une rencontre avec Brassaï en 1937 qui va déclencher sa carrière de photographe. Il va réaliser des portraits puis, exploitant au maximum les possibilités du noir et blanc (notamment en utilisant un papier photographique qui en intensifie les tonalités) il va s’essayer à l’abstraction et à l’expérimentation, jouant sur les formes géométriques et la matière des objets. Il reviendra à la figuration en 1955. Friends of the Place Blanche, publié en 1983 mais réalisé entre 1956 et 1962, est l’un de ses travaux les plus notables. Il va photographier des transsexuels et travestis du 18e arrondissement de Paris, racontant la vie de cette population des marges avec tendresse et proximité. Les images brutes de leur quotidien difficile se traduit dès lors par des portraits d’une grande douceur. Également enseignant, il va marquer durablement l’un de ses élèves par son noir et blanc si expressif : Anders Petersen.
Evelyn Hofer, Eyes on the city, DelMonico Books, 2023
Evelyn Hofer (1922-2009), d’origine allemande, s’est installée à New York en 1946. Elle va accéder à la notoriété par une série de livres photos publiés dans les années 1960 et consacrés à des villes comme Florence, Londres, Dublin, New York et Washington, ou à l’Espagne. Ce catalogue d’exposition illustre ces publications, et résume également la première grande exposition de l’artiste aux États-Unis depuis plus de 50 ans. Son écriture photographique va se définir par l’utilisation d’une chambre et de son trépied, loin des adeptes du maniable Leica comme ses contemporains Robert Franck ou William Klein. De là un grand soin accordé au cadre et à la composition, envisageant ses photos de rue ou de façades d’immeubles comme ses portraits. Elle va également s’essayer à la couleur (avant William Eggleston ou Stephen Shore), à une époque où celle-ci était encore mal considérée par le champs des arts.
Ed Templeton, Wired crossed, Aperture, 2023
L’ouvrage célèbre la culture du skateboard de la fin 1980 au début des années 2000, par une figure importante du mouvement : Ed Templeton. Né en 1972 à Los Angeles ce californien a été deux fois champion du monde de sa discipline. C’est également un artiste accompli, ses œuvres abordant le dessin, la peinture, l’installation et la photographie. Il fut irrémédiablement influencé dans sa jeunesse par deux ouvrages photo : Teenage lust de Larry Clark et The ballad of sexual dependency de Nan Goldin. Wired crossed est un joyeux scrapbook incluant ses photographies, collages, textes, cartes dessinées ou extraits de son journal intime. Le travail, en grande partie inédit, décrit la vie de skateurs professionnels à travers leurs tournées dans le monde, et fonctionne pour l’auteur comme un document de mémoire résumant sa vie. Un ouvrage à l’image de cette culture punk DIY : inventif, ludique, intime et irrévérencieux. A lire en écoutant du skate punk californien.
Luigi Ghirri Italia in miniatura, Mack, 2023
En 1970 le grand photographe italien Luigi Ghirri (1943 –1992) a réalisé une série illustrant les principaux monuments naturels et architecturaux de son pays. Mission des plus patriotiques, s’il ne s’agissait pas de répliques en miniature construites dans un parc à thème par l’entrepreneur Ivo Rambaldi. Cette attraction touristique, conçue comme un Tour d’Italie à Rimini, et qui pourrait côtoyer aisément un mini-golf, se transforme chez lui en un inventaire architectural minutieux, les images jouant avec le factice et le réel, l’échelle. Ainsi, Tour de Pise, Colysée romain ou autres forteresses surplombées par les montagne transalpines acquièrent une dimension surréaliste questionnant notre perception de la réalité. Des documents d’études d’Ivo Rambaldi complètent cet inventaire décalé traité avec sérieux, ainsi qu’un texte critique de Joan Fontcuberta (lui aussi grand adepte du canular et du factice) et de Matteo Guidi intitulé « la taille a son importance« .
Winogrand color, Twin Palms Publishers, 2023
Winogrand color est la première monographie dédiée aux images en couleur du photographe américain Garry Winogrand (1928-1984), l’un des maitres de la photographie de rue. Célèbre pour avoir immortalisé l’Amérique de l’après-guerre en noir et blanc, il fut très prolifique, au point de laisser après sa mort près de 6 500 bobines non développées. Inlassable chroniqueur, il va photographier le New York des années 50/70, le Texas, la Californie du Sud, ainsi que Chicago, Washington, ou Miami après 1971. L’ouvrage se compose d’une sélection drastique de 150 photographies rarement vues (sur 45 000 diapositives Kodachrome et Ektachrome) et produites entre les années 50 et 60. Elles célèbrent majoritairement les rues de New York et de sa population, mais aussi du sud des Etats-Unis. Une chronique de l’American way of life prise sur le vif, si précieuse pour Winogrand, qui s’exprime là avec encore plus de vitalité, de par les tons chauds des rouges, jaunes, verts ou bleus révélés par le procédé Kodachrome.
Penser la photographie
Revue The Eyes, Fracture, n°14, novembre 2023
Ce numéro offre une carte blanche à la photographe documentaire et vidéaste britannique Chloe Dewe Mathews (née en 1982), pour une thématique axée sur « Écologie, Transition, Humanité ». Les pratiques photographiques liées à l’urgence environnementale sont au cœur du projet, avec cette question en suspens : « Comment représenter les causes, les coupables, les effets, à travers le temps et l’espace ? » De nombreuses approches et esthétiques sont abordées à travers des portfolios de photographes de toutes nationalités : Anastasia Samovla (Russie) avec les inondations en Floride, jardins fictionnels avec Salomé Jashi (Georgie), activisme écologique avec Andy Sewell (GB) ou bien encore phythotypie avec la française Anne-Lou Buzot, etc. Ces séries de photographies sont complétées par plusieurs textes et entretiens de Taous Dahmani, Tarrah Krajnak ou par l’essai de la chercheuse britannique Max Houghton.
Puis-garder quelques secrets ?, Entretiens avec Henri Cartier-Bresson, Atelier EXB, 2023
L’ouvrage résume une sélection de quarante et un entretiens qu’Henri Cartier-Bresson a donnés entre 1951 et 2003. Un document précieux pour celui qui s’intéresse à la parole de l’un des photographes les plus importants du 20e siècle, adepte de la photo saisie sur le vif, dans la rue, plutôt qu’en studio ou mise en scène. Outre le fait que l’ouvrage compile de nombreux interviews provenant de publications de presse souvent épuisées, il retranscrit également des entretiens radio et des émissions de télévision françaises et étrangères. De nombreux « secrets » se dévoilent au fil des pages, concernant sa vie et son œuvre, son rapport à la peinture et au cinéma, et surtout sa vision de la photographie. Le recueil de texte est illustré par une sélection d’une trentaine de photographies et dessins d’Henri Cartier-Bresson, inventeur breveté de « l’instant décisif ».
Jeune photographie
Éloïse Labarbe-Lafon, Album, Cé Editions, 2023
L’album de la jeune Éloïse Labarbe-Lafon propose un travail argentique en couleur et noir et blanc rehaussé de peinture à l’huile, démarche inspirée à la fois de la photographie préraphaélite et du pictorialisme, ainsi que des cartes postales colorisées des années 1900. Le cinéma expérimental est une autre influence, notamment dans l’utilisation débridée des couleurs. Cette intervention manuelle sur les photos offre toute la spécificité de son travail plastique. L’univers créé célèbre la couleur et les textures granuleuses, rappelant une Sarah Moon contemporaine, dont la sensualité s’exprimerait à travers ces rouges mis sur les joues ou les vêtements des modèles, ou transformant un paysage en un décor de film fantastique aux tons vert bleu. Comme suspendu dans le temps et l’espace les images convoquent tout autant l’onirisme que l’intime, voire l’érotisme, pour une artiste qui est « à la recherche de la préciosité de l’image, de l’objet« .
Le Studio de la MEP , programme de soutien à la création émergente, propose de découvrir deux nouveaux talents :
Iris Millot, Le soleil passe à l’embranchement, 2024
Née à Paris en 2000 Iris Millot est lauréate du Prix Dior de la Photographie et des Arts Visuels pour Jeunes Talents 2023. L’ouvrage raconte l’histoire de sa tante Hélène, ancienne militante du Mouvement de Libération des Femmes, et qui s’est exilée depuis une quarantaine d’années au milieu d’une forêt, dans une bergerie. Une vie passée à travailler la terre, s’occuper des animaux, vie soumise au rythme de la nature et illustrant ses utopies de jeunesse. Iris Millot dresse un portrait touchant de ce « personnage de conte, gardienne de récits » qu’elle retrouve aujourd’hui, le poids des ans en plus (elle a 77 ans), entremêlant dans son œuvre images d’archives, extraits des carnets intimes d’Hélène et photographies d’une vie actuelle où les bêtes ont disparu et où la solitude s’est faite de plus en plus présente. Mais Hélène est toujours là.
Senta Simond, Dissonance, 2024
Senta Simond est une artiste et photographe de mode suisse. Elle a été finaliste du prix Aperture/Paris PhotoBook, et sélectionnée pour le British Journal of Photography « Ones to watch », Foam Talent et les Swiss Design Awards. L’exposition à la MEP, plus proche de l’installation, combinait photographies, vidéo et musique pour dérouler le portrait en miroir de deux jeunes femmes : une danseuse ukrainienne et une harpiste irlandaise. Une mise en scène du corps féminin que Senta Sismond traduit par des gros plans de visages ou de parties de corps, s’exprimant dans des cadrages en contre-plongée. Ainsi, la danseuse se dévoile, tout comme la harpiste, à travers une intimité en action, chacune dans leurs mouvement corporels spécifiques à leurs pratiques artistiques.
Livres d’artiste
Thomas Lake, Formed of sand, Origini Edizioni, 2024
Les éditions italiennes Origini nous donnent encore l’occasion, à travers l’ouvrage de Thomas Lake, d’avoir dans les mains un objet précieux. Formed of sand comprend des pages en papier coton à bords frangés intercalées de calques marqués à l’encre de Chine, ainsi que d’une plaque d’aluminium imprimée et numérotée, le tout inséré dans un boitier en carton. Cette production artisanale fait-main souligne un contenu minimaliste typique du photographe anglais. Accompagnées par un poème de Dylan Thomas ces dix-huit images en noir et blanc illustrent des structures en pierre, architectures énigmatiques à la poésie brutaliste qui nous donnent l’impression d’observer les vestiges d’une civilisation soit très ancienne, soit issue d’une fiction post-apocalyptique.