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A propos du Chili

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A l’occasion de l’exposition « Raymond Depardon David Burnett, Septembre au Chili, 1971/1973 » la bibliothèque du Château d’Eau vous propose une sélection d’ouvrages traitant de l’arrivée au pouvoir du socialiste Salvador Allende, et du coup d’état de la junte militaire qui a suivi en 1973. Le dossier permet également d’aborder ce qu’est la photographie chilienne depuis ces années noires, de 1973 à nos jours, où identité et mémoire historique se mêlent, entre héritage du passé et perspectives artistiques plus contemporaines et universelles. 

Quelques dates importantes à retenir

  • 3 novembre 1970 : Salvador Allende, candidat d’une coalition de partis de gauche, l’Unité Populaire (UP), est élu à la tête du Chili. Il qualifie son programme de « voie chilienne vers le socialisme ».  
  • 1971 : L’aile droite des démocrates-chrétiens, virulemment anticommuniste, s’allie à la droite chilienne pour former, en 1972, la coalition électorale « Confédération démocratique » (CODE) avec le Parti National (PN), le parti conservateur de droite. Ceux-ci luttent contre la réforme agraire en marche dans le pays, et la nationalisation de plusieurs secteurs d’activité économique instaurée par l’UP. Il s’ensuit une grave crise économique et politique. 
  • 11 septembre 1973 : L’UP est renversé par un coup d’État militaire soutenu par la droite et les démocrates-chrétiens, avec en arrière-plan l’aide des Etats-Unis. Les militaires prennent rapidement le contrôle des institutions et bombardent le palais présidentiel de la Moneda à Santiago. Le président Allende se suicide, refusant de se rendre. L’état de siège est décrété par la junte militaire commandée par le général Pinochet, et la constitution abolie. Dix-sept années de dictature vont suivre, avec Pinochet et son armée à la tête d’un pays exsangue. Ce dernier restera au pouvoir jusqu’en 1990. 

Chili, 1971/1973

Vue de la couverture du livre Septembre au Chili de l'Atelier EXB

Raymond Depardon, David Burnett, Septembre au Chili, 1971/1973, Atelier EXB, 2023 

Septembre au Chili, 1971/1973 est publié à l’occasion des cinquante ans du coup d’état, et fait écho à l’exposition du Château d’Eau. L’ouvrage se focalise sur deux dates emblématiques : 1971, avec les photos de Raymond Depardon (France, 1942) faites lors du premier anniversaire de l’élection du président Allende ; et 1973 avec les clichés pris par David Burnett (Etats-Unis, 1946), lors des premiers jours de la dictature. Depardon immortalise les manifestations de soutien à l’UP, les apparitions d’Allende dans les rues de Santiago soutenues par l’allégresse populaire, ou les paysans de la région d’Araucanie, chargés de mettre en place la réforme agraire. Une période d’espoir, de joie et de crainte mêlés, qui contrastent avec les images de Burnett, uniquement sombres et violentes. Arrestations de rue, détentions de prisonniers politiques dans le stade national où eurent lieu tortures et exécutions, funérailles de Pablo Neruda, certainement empoisonné par le pouvoir… Tout le catalogue d’une dictature sanglante et sans pitié est là, sous nos yeux. Ces deux reportages en noir et blanc se font écho et sont documentés par des textes de Sonja Martinson Uppman, Luis Poirot, Robert Pledge et Alejandra Matus. 

Vue de la couverture du livre de Chas Gerretsen édité par RM

Chas Gerretsen, Chile, the photographic archive 1973-74, RM Éditorial, 2023 

En 1973, le photojournaliste Chas Gerretsen (Pays-Bas, 1943) a passé neuf mois à Santiago du Chili. Ses photographies historiques couvrent la dernière année du gouvernement Allende et le violent coup d’État militaire qui a conduit au régime de Pinochet. En 1974, Chas est retourné deux fois au Chili. Le livre propose trois cent photographies (sur plus de huit mille faites à l’époque), pour la plupart inédites. 

Chas Gerretsen a reçu la prestigieuse « Robert Cape Gold Medal » pour ses images du Chili en 1973.  

Vue de la couverture du livre de Raymond Depardon Chile 1971

Raymond Depardon, Chile 1971, LOM Ediciones, 2013 

Chile 1971 présente de façon exhaustive le reportage effectué par Raymond Depardon en 1971 au Chili, pays qu’il découvrait à l’époque. Il va mettre à profit ces cinq semaines pour rendre compte de la vie des paysans chiliens, en attendant de rencontrer le président Allende à Santiago. Depardon va parcourir le sud du pays, du côté de Valdivia et de Temuco, aller sur l’île de Chiloé, etc…, photographiant des paysans labourant la terre avec des bœufs, ou des agriculteurs Mapuches à qui des terres avaient été attribuées. Une vie rurale qui lui fait penser à ses propres racines familiales, et qui est sur le point de se transformer radicalement, à l’aube de l’importante réforme agraire instaurée par le président Allende. Depardon voit ses images comme « un éloge des travailleurs, des paysans« , immortalisant « les visages d’un monde en voie de disparition qui (m)’ont touché à l’époque« . Il va ensuite retourner à Santiago rendre compte des nombreuses manifestations dans la rue, et rencontrer Allende, lui-même « ravi de rencontrer des journalistes étrangers« . 

Vue de la couverture du livre de Chas Gerretsen

Koen Wessing, Chili september 1973, Errata Editions, 2010 

Cet ouvrage fut initialement publié en 1973, seulement quelques mois après la chute de Salvador Allende. Koen Wessing fut un photojournaliste néerlandais (1942-2011) qui consacra sa vie à documenter les périodes les plus sombres de notre histoire contemporaine, comme les luttes armées au Nicaragua et au Salvador (en 1978 et 1980), ou l’apartheid en Afrique du Sud. En 1973, il part à Santiago sans informer aucune rédaction, déterminé à couvrir le coup d’état qui vient de débuter. Il sera ainsi l’un des premiers à témoigner de la répression des militaires, réussissant même à entrer dans le funeste stade national, où transitent les prisonniers politiques. Il en résulte des images d’une force impressionnante, traduites par un noir et blanc contrasté, imprimant la mémoire : autodafé, files de prisonniers circulant têtes baissés, bras sur la nuque, sous le regard de soldats armés jusqu’au dent, arrestations et fouilles pratiquées dans la rue, etc.. Une crudité qui fait, encore aujourd’hui, transpirer les images de la détresse de ces chiliens et chiliennes mis à mal par le pouvoir en place. 

Vue de la couverture du livre de Susan Meiselas

Chile from within1973-1988, edited by Susan Meiselas, 1990 

Le Chili vu de l’intérieur est un état des lieux de la période qui débute avec la torture et l’assassinat des partisans d’Allende et la répression de toute forme de résistance à la dictature, résumée par des photographes chiliens. Ces derniers travaillaient pour de petits magazines ou des journaux clandestins, risquant ainsi leur vie au quotidien, par le simple fait de contester le pouvoir en place. Le livre fut édité par Susan Meiselas, photojournaliste faisant partie de l’agence Magnum depuis 1976. Un témoignage des « années Pinochet » qui complète de l’intérieur ceux effectués par les journalistes étrangers. 

Avec les photographies de Paz Errazuriz, Alejandro Hoppe, Alvaro Hoppe, Helen Hughes, Jorge Ianiszewski, Hector Lopez, Ken Lorenzini, J.D. Marinello, Christian Montecino, Marcelo Montecino, Oscar Navarro, Claudio Perez, Luis Poirot, Paulo Slachevsky, Luis Weinstein et Oscar Wittke. 

La photographie chilienne après 1973

Vue du livre Chili du Lanskrona Museum

Landskrona foto view : Chile, Landskrona Foto, 2018 

Landskrona foto, « The Home of Photography in Scandinavia » est un centre de photographie suédois qui présente chaque année un pays par ses photographes. L’année 2018 a été consacrée au Chili. Représenté par une trentaine d’artistes de différentes générations, ce projet est inévitablement imprégné de l’histoire particulière du Chili. Identité et mémoire historique se retrouvent donc dans les choix opérés par les deux commissaires (Christian Caujolle et Rodrigo Gomez Rovira), mais également d’autres perspectives artistiques, plus contemporaines et « plus internationales dans son esthétique« . Citons dans cette jeune génération Paula Lopez Droguett (1987), Catalina Juger Cerda (1990) ou bien encore Cristobal Olivares (1988). L’auteur Samuel Salgado Tello apporte quant à lui, comme il le souligne, une « tentative » d’histoire de la photographie au Chili, de 1840 à nos jours. 

Vue de la couverture du livre Faces cachées

Sous la direction de Patrice Loubon, Faces cachées, photographie chilienne 1980-2015, Éditions NegPos, 2016

Faces cachées est le catalogue de l’exposition du même nom qui exposait trois générations de photographes chiliens traitant de la dictature de Pinochet jusqu’à nos jours. « Une histoire traumatique, avec des blessures internes au sein des familles, entre partisans de Pinochet et défenseurs de la démocratie. Deux Chili toujours actuels car la réparation menée en Argentine, où des procès spectaculaires ont résorbé le passé, n’a pas eu lieu » (Patrice Loubon).  

Claudio Pérez (né en 1954) témoigne de façon documentaire de l’identité du peuple Quechua, tandis que Zaida González Rios (née en 1977) a une approche plus plasticienne et transgressive, avec ses colorisations à l’aquarelle de tirages noir et blanc. Leonora Vicuña (1952), offre un imaginaire chilien peuplé de chamanes et de paysans, Luis Navarro (1938) la culture gitane Kalderash ; les frères Alvaro et Alejandro Hoppe (1956 et 1961) documentent eux les manifestations dans les rues et la violence du pouvoir, des années 1985 à 1988.  

Vue de la couverture du livre Golpes

Alexis Diaz Belmar, Golpes, Haikén Ediciones, 2022 

Golpes est une publication du photographe Alexis Díaz Belmar (Santiago du Chili, 1977) constituée de vingt-huit photographies d’impacts de balles sur des bâtiments à Santiago : Musée National des Beaux-Arts, Tour Entel, Banque Centrale et Palais La Moneda, ou bien encore sur le visage de la statue de Diego Portales, place de la Constitution. Ces traces de coup de feu, tirés lors du coup d’État de 1973 sont encore visibles aujourd’hui, et avaient déjà fortement impressionné l’auteur quand il se promenait dans le centre-ville étant enfant. Décrites par lui comme des « gravures de l’Histoire« , celles-ci témoignent à leur manière de ce qu’il s’est passé cinquante ans auparavant, rappelant quotidiennement à tous les chiliens la violence du coup d’état.  

 

Vue de la couverture du livre de Paz Errazuriz

Paz Errázuriz, Aperture / Fundación MAPFRE, 2016 

Ce catalogue d’exposition offre une rétrospective du travail de la photographe chilienne Paz Errázuriz, née en 1944 à Santiago. Elle a débuté sa carrière en autodidacte dans les années 1970, sous la dictature de Pinochet. On peut parler de photographie sociale engagée pour traduire son œuvre, qui se focalise sur les personnes invisibilisées, les marginaux, les opprimés du régime dictatorial : les pauvres ou les personnes âgées, les prostituées, les gens du cirque ou les boxeurs, les aveugles… comme pour sa série « Les dormeurs » (1980), consacrée aux sans-abris assoupis par terre à Santiago. Souvent déclinés en noir et blanc ses portraits empreints d’humanité ont désormais fait le tour du monde. Paz Errázuriz a représenté en 2015 le Chili avec Lotty Rosenfeld à la Biennale de Venise et a fait l’objet d’une rétrospective aux Rencontres d’Arles en 2017. L’ouvrage permet de visualiser de façon chronologique et thématique son œuvre, des années 1970 à nos jours. 

« Histoires inachevées », première exposition personnelle dans une institution parisienne de la photographe chilienne, est visible à la Maison de l’Amérique latine (Paris) jusqu’au 20 décembre 2023. 

Vue de la couverture du livre Répertoire de Gomez Rovira

Raúl Gómez, Repertoire, FIFV Editiones, 2013

Repertoire réunit les archives photographiques du père de Rodrigo Gomez Rovira, Raúl Gómez. Rodrigo Gomez Rovira est un photographe chilien né en 1968 à Santiago, et qui s’est exilé en France avec sa famille au moment de la dictature. Il y est resté jusqu’en 1996, « pour finalement embarquer sur un cargo pour Valparaíso. C’était étrange d’être chilien sans connaître le Chili ». Rodrigo Gomez Rovira a fondé en 2010 le Festival Internacional de Fotografía de Valparaíso (FIFV), qui accorde une large place à la fois aux résidences d’artistes et à l’édition de livres photo.  

Répertoire fait partie de l’une des éditions qu’il a créées, et raconte l’exil et la vie de son père en France, à Colombes (Hauts-de-Seine). Un livre sous forme de scrapbook composé de notes, textes et dessins de Raul, offrant ses réflexions intimes, et accompagnés de ses photographies. Écrits sur un agenda, ou sur ses papiers à en-tête professionnels, il y dévoile sa vie d’exilé : « Mardi 25. (…) Nous vivons dans la région parisienne à Colombes, mais l’exil n’a pas de lieu privilégié. Être à Stockholm, en Californie, à Londres ou au Mexique ne change rien, où que tu sois tu restes un exilé. » 

Vue du livre de Sergio Larrain, éditions EXB

Sous la direction d’Agnès Sire, Sergio Larrain, Éditions Xavier Barral, 2013 

Une première monographie exhaustive sur le travail du photographe et photojournaliste chilien Sergio Larrain (1931 – 2012), déroulée à travers plus de deux cent photographies, ainsi que des lettres, dessins, et des fac-similés de ses carnets de travail. L’auteure, Agnès Sire, a entretenu une longue correspondance avec ce passionné de la photographie de rue, et qui s’exprimait en noir et blanc. Actif entre 1949 et 1971, Sergio Larrain s’isola par la suite au Chili pour mener une vie d’ermite, composant des « satoris » mêlant textes, dessins et photographies. Reconnaissant Edward Weston comme l’un de ses maitres, il publia en 1963 son premier livre, El rectángulo en la mano, futur ouvrage de référence pour la photographie chilienne et latino-américaine. L’ouvrage s’accompagne également d’une biographie très documentée par Gonzalo Leiva Quijada, qui permet d’aborder tous les aspects du personnage, figure majeure de la photographie chilienne. 

Modernités sud-américaines 

Vue de la couverture du livre Modernités Sud Américaines

Modernités sud-américaines, Musée Albert-Kahn / Éditions sun/sun, 2023 

L’ouvrage présente une sélection d’autochromes et de plaques stéréoscopiques réalisés en aout 1909 lors d’un séjour d’affaires en Amérique du Sud par le banquier philanthrope Albert Kahn. Ces archives visuelles débutent à bord du paquebot König Friedrich August à Lisbonne, pour nous emmener de Buenos Aires en Argentine aux rues de Rio de Janeiro, au Brésil. Issu d’un fonds de six cent photographies conservées au musée Albert-Khan et ayant fait l’objet d’une exposition, ce trésor comporte des vues en couleur de la baie de Rio (les plus anciennes photo couleur du Brésil), et témoigne d’une époque : de la vie à bord de paquebots transatlantiques aux conditions des migrants au début du XXe, prêt à quitter l’Europe pour risquer une vie sur un autre continent. A l’aube de notre mondialisation ces voyages lointains ressemblaient toujours à une aventure, dignes parfois d’une nouvelle de Robert Louis Stevenson. 

Vue de la couverture du livre Marisa Cornejo

Marisa Cornejo, L’Empreinte, art&fiction, 2023

Dans L’Empreinte la plasticienne Marisa Cornejo rend hommage à son père, Eugénio, artiste chilien ayant fui la dictature de Pinochet en 1973 avec femme et enfants, dont elle, alors âgée de deux ans. Il va s’en suivre pour la famille une longue période d’exil : en Argentine (1973-1976), en Bulgarie (1977-1978), en Belgique (1978-1980), et au Mexique (de 1980 à 1998). Son père meurt en 2002.  

Son travail plastique, traversé par la thématique de la mémoire et de la migration forcée, prend tout sa force dans l’Empreinte : L’auteure nous livre le récit personnel de l’exil reconstitué à partir des archives de son père extirpées de quinze boîtes remplies de mille cinq cents diapositives, trésor qu’elle a pu récupérer en 2006. Ces archives familiales parsèment son texte, illustrant un quotidien forcément chaotique, et lui permet de reconstituer ses propres souvenirs d’enfance.  

Couverture du livre de la fondation A, l'Amérique éraflée

Collection d’Astrid Ullens de Schooten Whettnall, L’Amérique latine éraflée, Toluca Éditions / RM, 2021 

Le catalogue de l’exposition L’Amérique latine éraflée présente les travaux de dix-huit photographes originaires d’Amérique du Sud. Le suisse Luc Chessel, directeur artistique de la revue Cuba Internacional et correspondant de l’agence Prensa Latina et l’anglais François Dolmetsch complètent la sélection.  

« Les murs éraflés d’une architecture en ruine, au Chili, en Argentine, en Colombie, au Pérou, à Cuba, au Mexique, portent, festonnés de salpêtre, le poids du temps et de la revendication politique« . Cette ligne directrice donne l’occasion de voir une Amérique latine que l’on ne veut pas trop voir. Comme le travail de l’argentine Adriana Lestido sur les femmes devenues mères en milieu carcéral, ou les prostituées colombiennes de Fernell Franco. Une urbanité loin des beaux quartiers que l’on retrouve également dans La ultima ciudad, du mexicain Pablo Ortiz Monasterio, renseigné par les commissaires comme « l’un des meilleurs livres de reportage urbain » des années 80.  

Le cinéma chilien à l’épreuve de la dictature

Patricio Guzmán

Patricio Guzmán est un cinéaste chilien né à Santiago en 1941, et qui s’est exilé en France en 1973 après le coup d’état. Il n’a jamais cessé de produire jusqu’à aujourd’hui de nombreux films sur l’histoire de son pays, par le cinéma documentaire, qui est pour lui « une façon d’accompagner une idée ou un peuple« . Mon pays imaginaire (2019, sorti en France en 2022) retrace la naissance de la révolution de 2019 qui a vu descendre 1,2 million de chiliennes et de chiliens dans la rue, protestant contre le régime du président Sebastian Piñera. Ces récents événements politiques lui ont fait prendre conscience que « cinquante ans après avoir réalisé La Bataille du Chili, j’étais de nouveau dans la rue pour filmer ce qui se passait« .La Bataille du Chili (La Batalla de Chile: la lucha de un pueblo sin armas) est une trilogie documentaire récompensée de six grands prix en Amérique Latine et en Europe relatant la chute de la démocratie chilienne.
Il comprend :  

  • L’Insurrection de la bourgeoisie (La insurreción de la burguesía
  • Le Coup d’État militaire (El golpe de estado
  • Le Pouvoir populaire (El poder popular

Guzmán donne dans ce documentaire la parole à la fois à la bourgeoisie comme aux ouvriers, évitant ainsi une vision partisane. Censuré sous Pinochet, La Bataille du Chili ne sera diffusé qu’en septembre 2021 à télévision chilienne. Renate Sachse, productrice et compagne du cinéaste note : « Curieusement, ce n’est pas une chaîne publique qui l’a diffusé, mais une chaîne privée qui y a vu une occasion de se distinguer, en surfant sur « El Estallido social » [la révolution de 2019] ». Chili, Venezuela – France – Cuba / 1975 / 265mn. Disponible sur le replay d’Arte France.  

La Première année (Primer año) est un documentaire qui raconte la première année au pouvoir du gouvernement de l’Unité Populaire d’Allende. Il a été restauré en 2023 en 4K, bénéficiant également d’un remontage, prologue et doublage en français par Chris Marker. Ce dernier était photographe de plateau en 1971, sur le tournage du film, et ami de Patricio Guzmán. La bataille du Chili avait déjà été réalisé grâce aux 13 000 mètres de film Kodak 16 mm offerts par le cinéaste français. Même s’il fut filmé à la veille du coup d’État du 11 septembre 1973, le film ne sortira au Chili qu’en 1996. Chili, France / 1971 / 90 min   


Miguel Littín Cucumides

La Cinémathèque chilienne (Cineteca Nacional de Chile), sise au Centre Culturel de la Moneda à Santiago, permet de visionner en ligne le film 

Actas general de Chile de Miguel Littin. Miguel Littín Cucumides (Chili, 1942) est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur pour le cinéma et la télévision, et écrivain. En 1985, Littin, ancien militant lié au président Allende, retourne clandestinement dans son pays pour filmer un état des lieux de la dictature de Pinochet. Il va parcourir le pays du nord au sud, se faisant passer pour un membre d’une équipe de télévision italienne et filmer des entretiens avec la population, ainsi qu’avec des membres des mouvements de résistance qui opèrent clandestinement. Ce documentaire, tourné à haut-risque, va inspirer en 1986 un livre au Prix Nobel colombien Gabriel García Márquez : L’Aventure de Miguel Littín, clandestin au Chili, qui va rapidement devenir un best-seller dans le monde. En février 1987, le Ministère chilien ordonne l’autodafé des livres de Márquez dès qu’ils arrivent au Chili via le port de Valparaiso, soit la destruction de plus de 14 846 copies (sources : archives du Los Angeles Times). Chili, Cuba / 1986 / 240 mn 


Carmen Castillo

Carmen Castillo est une écrivaine et cinéaste franco-chilienne, née en 1945 à Santiago au Chili. Militante du MIR (Mouvement de la Gauche Révolutionnaire), elle est grièvement blessée en 1974 lors de l’assaut de sa maison par les militaires, et est expulsée du Chili. Elle se réfugie en France. Depuis les années 1980, Carmen Castillo documente pour la télévision et le cinéma l’histoire récente de son pays. La bibliothèque du Château d’Eau vous propose de découvrir deux documentaires importants : 

  • La Flaca Alejandra 

Marcia Alejandra Merino, surnommée « la Flaca Alejandra », chef d’une cellule du MIR, donna les noms de ses camarades, après avoir été torturée par la police politique de Pinochet, la DINA. De retour d’exil en 1992, Carmen Castillo, dénoncée à l’époque par « la Flaca », la retrouve. Libérée de prison sept mois plus tôt La Flaca s’apprête à témoigner au tribunal pour accuser ses anciens chefs de la DINA. Le documentaire est une longue conversation entre Carmen Castillo et Marcia Merino. France – Chili – Royaume-Uni / 1994 / 60 mn. Prix du FIPA d’or du documentaire à Biarritz en 1994. Celui-ci peut être visionné en ligne sur le site de la Cinémathèque chilienne : https://www.cclm.cl/cineteca-online/la-flaca-alejandra/ 

  • Chili 1973, une ambassade face au coup d’État 

Dans ce documentaire Carmen Castillo raconte comment l’ambassade de France à Santiago, isolée du monde lors du coup d’état de Pinochet et sans instruction de Paris, offrit l’asile pendant plusieurs mois aux opposants à la junte militaire. Dès le début du film, la voix grave de Carmen Castillo pose le dilemme : « Pour les ambassades présentes à Santiago, la question se pose en urgence : que faire des réfugiés qui affluent déjà ? ». L’ambassadeur de France au Chili (1972-1974) Pierre de Menthon et son épouse, allant à l’encontre de nombreuses voix officielles, ne vont pas hésiter longtemps et faire preuve de courage en hébergeant au fil des jours près de six cent chiliens, leur sauvant ainsi la vie. France – Chili / 2019 / 52 mn.

  • France Culture a consacré un podcast sur la vie de Carmen Castillo intitulé « Carmen Castillo, une histoire chilienne« . Une série d’entretiens en cinq épisodes proposée par Caroline Broué. 

Pablo Larrain

Pablo Larrain (Santiago du Chili, 1976), est un cinéaste récompensé qui s’est notamment illustré dans de nombreux biopics. Citons Neruda (2016) sur le poète chilien Pablo Neruda, certainement empoisonné par le pouvoir militaire de Pinochet ; Jackie (2017), sur Jacqueline Bouvier (1929-1994), veuve du président américain John Fitzgerald Kennedy , ou bien encore Maria, (sur les écrans en 2024), traitant de la vie de la chanteuse d’opéra Maria Callas. Patricio Guzmán dit de Santiago 73 post mortem : « Le film reste pour moi une sorte de mystère excentrique, mais j’en reconnais la valeur et l’honnêteté. Il a réussi à faire de son personnage la quintessence de cette médiocrité et de cette grisaille qui aboutissent au fascisme. Il a su imposer, avec audace, une atmosphère extrêmement inquiétante, et faire de son film une sorte de bombe silencieuse. » 

Santiago 73 post mortem, de Pablo Larrain (2011)  

« Santiago du Chili, septembre 73. Mario travaille à la morgue, où il rédige les rapports d’autopsie. Amoureux de sa voisine Nancy, une danseuse de cabaret soupçonnée de sympathies communistes, sa vie va être bouleversée par le coup d’Etat contre Salvador Allende… » (source : AlloCiné). 
Chili, Mexique, Allemagne / 2011 / 1h38mn 

Pour aller plus loin

Vue de la couverture du livre de Françoise Denoyelle

Françoise Denoyelle, Les agences photo, une histoire française, les Éditions de Juillet, 2023 

Françoise Denoyelle, historienne de la photographie, présente ici et pour la première fois un récit complet de l’histoire des agences photographiques en France, apparues à l’aube du XXe siècle. Présenté de façon chronologique et historique, l’ouvrage décrit l’histoire de quatre-vingt-cinq agences de 1900 à nos jours.  

Raymond Depardon a créé l’agence photographique Gamma en 1966 (avec Hubert Henrotte, Leonard de Rémy et Hugues Vassal), avant de devenir membre de Magnum Photos en 1979. Gamma a été fondée pour assurer une meilleure reconnaissance des photojournalistes, en imposant la signature du photographe sur chaque publication, à côté du crédit de l’agence. Les droits d’auteurs appartenaient désormais aux photographes, Gamma ne détenant que le droit d’usage des images. Il était également intéressé aux ventes, et propriétaire de ses négatifs.  

Gamma fut la pépinière de grands noms de la photo comme Abbas, Jean Gaumy, Sebastião Salgado, ou encore Gilles Caron et David Burnett. 

Affiche Chili Negpos

Toujours dans le cadre de la commémoration du cinquantième anniversaire de la mort de Salvador Allende et du coup d’état militaire qui a suivi, le centre d’art et de photographie de Nîmes (Negpos) propose du 7 septembre au 24 novembre 2023 l’exposition « Chili 50 ans, images d’une transformation sociale », sous le commissariat de Patrice Loubon et Alexis Diaz Belmar. La manifestation propose cinq expositions, une intervention dans l’espace public et un cycle de films documentaires. 

Avec les artistes : Marcelo Montecino, Celeste Rojas, Cristian Kirby, Claudio Perez, Hernan Parada, Alvaro Hoppe, Kena Lorenzini, Helen Hughes, Sofia Yanjari, Javier Godoy, Nicole Kramm, Rocio Hormazabal, Cheril Linett, Collectif LASTESIS, Delight Lab, Alexis Diaz Belmar, Jorge Gronemeyer.

Pour rappel : le festival Visa pour l’Image de Perpignan (Pyrénées-Orientales) a proposé pour l’édition 2003 le travail de quatre photographes chiliens. Les images présentées couvrent la période du 11 septembre 1973 au 11 mars 1990, jour où arrive le premier président élu démocratiquement après Salvador Allende. Avec les photos de Marcelo Montecino, Hector López, Claudio Pérez et Juan Carlos Cáceres.