David SIODOS « A l’ombre des vivants »
- Exposition
Infos pratiques
- Date et heure
- Lieu Galerie le Château d'Eau
- Public Tout Public
A travers cette série David Siodos s'est attaché à suivre des individus qui errent, travaillent ou habitent à la périphérie de la vie…La vie de ceux dont on parle pas.
un monde flottant
C’est un monde flottant, en déséquilibre, animé, ou pour le moins agité, et, de là-même difficile à percevoir. Difficile autant à comprendre qu’à représenter. La photographie ici n’est pas appelée à figer, mais à transcrire et transmettre des impressions, des visions infimes, des immersions dans un univers. Noir, troué de stridences blanches, hanté de personnages bougés, parfois fantomatiques, d’animaux aussi, qui s’échappent.
Un monde dans lequel le grain photographique devient la plus évidente des matérialités de l’univers. Marges qui vont mal et qui, en écho, impressionnent la pellicule sans pouvoir rendre compte effectivement de l’état du monde. Il ne s’agit pas de décrire mais de faire partager des sentiments, des sensations.
Christian Caujolle, commissaire de l’exposition
Biographie de l’artiste
Rien ne le prédestinait à devenir photographe. Né d’une famille modeste, la discrétion et le labeur étaient les rouages de son éducation. Il suivait un parcours classique sans relief. Plus tard, il débutait sa vie professionnelle sans parvenir à s’accomplir totalement. Par hasard, la photographie a changé sa vie. Sensible et curieux, le destin lui a ouvert les portes de l’exposition de Willy Ronis à Toulouse. Dès lors, il décidait de parcourir la rue à la recherche d’une scène de vie, d’une émotion unique. Il était perdu mais totalement heureux. Plus tard, il se retrouvait à arpenter les abords du périphérique pour documenter la vie de ceux dont on ne parle pas… « Au point de ne plus savoir lui-même si il est vivant… Ou simplement une ombre ». Depuis, son travail se concentre sur la vie alternative via des projets mettant en avant la marginalité à travers des lieux différents. Au travers de sa photographie, il s’attelle à présenter un monde difficile et reclus sous un angle humain et poétique.
- 2022 : Galerie Le Château d’Eau (Toulouse),
- Galerie de l’Enfant Sauvage (Bruxelles)
- 2020 : Galerie Atelier 20 (Tarbes)
- 2019 : Manifesto (Toulouse),
- Nuits photographiques Essaouira (Maroc)
- Mois de la photographie (Grenoble)
- 2017 : Institut Bernard Magrez (Bordeaux)
- 2015 : Galerie Sputnik (New York, Etats-Unis), Vincennes Images Festival (Vincennes)
- 2022 : Livre « A l’ombre des vivants » (Edition Le Mulet)
- 2021 : Finaliste Prix HSBC
- 2021 : Parution dans la revue photographique « TROPICAL STOEMP »
- 2019 : Livre « Périphérique » (auto-édition)
- 2019 : Finaliste Prix Mentor
- 2017 : Prix de la photographie Institut Bernard MAGREZ
- 2016 : Prix Germaine CHAUMEL (Académie du Languedoc)
Rencontre avec l’artiste
D.Siodos :Je suis allé à une expo à Bram de Willy Ronis, photographe humaniste en noir et blanc. Comme je l’ai toujours dit, ça m’a tellement choqué mais dans le bon sens. Je suis ressorti de l’expo et je me suis dit « voilà, c’est ce que je veux faire dans la vie » donc le noir et blanc et la rue aussi évidemment. Les gens, je photographie les gens qui sont dans un état, dans une sorte de vie alternative. Ce sont des gens qui vivent difficilement, il y a des prostitués, des SDF, des paumés, des gens qui errent. Il y a cette brutalité là, qui est déjà présente dans leur vie, ce béton, ce bruit constant, rajoute une ambiance, une atmosphère qui était déjà noire à la base. Mais c’est la réalité, je n’invente rien, je ne maquille rien. Il n’y a aucune mise en scène donc si brutalité il y a, si violence il y a, je le conteste pas au contraire, c’est qu’elle existe tous les jours. Malgré tout, j’y vois aussi beaucoup de poésie. En tout cas c’est ce vers quoi j’aime tendre, ajouter malgré tout un peu de douceur, de rondeur. C’est aussi parce que le public que je photographie, ce sont des gens que j’ai appris à connaître dont je me suis imprégné de leur vie, j’ai écouté leur histoire. Ce facteur-là qui est important à mon avis, ajoute de l’humain à ce côté brutal et violent de la rue.
Quand j’ai commencé la photographie, j’ai opté pour la facilité. je suis parti sur du numérique et je suis vite passé à l’argentique, ce qui me paraissait plus adapté à la rue et par rapport aux photographes que j’admire. En fait, je suis tombé sur un appareil photo qui appartenait à mon grand-père, un vieux canon qui ressemble à un jouet, tout en plastique. Il est léger, facilement maniable, il passe inaperçu et il ne fait pas peur. J’ai eu l’occasion de photographier avec le numérique. Ça m’est déjà arrivé et ce gros boité tout automatisé peut surprendre et peut aussi faire peur. Le choix de ce petit appareil facilite la rencontre, ajoute une incertitude par rapport à la photo. Aussi c’est un appareil que je nettoie jamais. J’aime la matière et j’aime utiliser des pellicules usagées, ce qui permet de créer des résultats surprenants. J’utilise des filtres et j’aime l’idée qu’on puisse rendre un effet pictural à une photo. Du coup j’utilise des filtres en plexiglas ou des bouts de verres, peu importe ce que j’ai sur moi. J’ai des milliers de filtres chez moi, que je dispose devant l’appareil photo à la prise de vue. Quelques fois ça peut avoir un effet déformant, quelques fois je mets sur les filtres de la matière comme de la colle ou de la graisse, ou de la peinture ou que sais-je, j’ai essayé mille choses, rayer. Ça peut donner des résultats intéressants. Après je peux aussi travailler sur le négatif de l’acide, en grattant, en superposant. J’ai essayé beaucoup de choses et raté assez souvent mais quand ça marche ça donne un rendu intéressant à l’image.
Quand je commence ma journée, je sais toujours où je vais commencer et je sais jamais combien de temps ça va durer, je sais jamais où je vais aller. Sur cette série-là, il faut savoir que tout a été pris à Toulouse. C’est une grande ville, tout en étant, tout en restant à échelle humaine. Je marche, je marche et je ne sais jamais où je vais, et je ne sais jamais qui je vais rencontrer. Ces gens qui m’intéressent, ce sont des gens qui bougent beaucoup. Je peux très bien rencontrer une personne un jour et ne pas la retrouver le lendemain. Je m’adapte à tout en fait. Je m’adapte aux gens que je vais rencontrer, je suis à leur disposition. Je ne suis pas du tout ce genre de photographe qui passe et qui vole une photo ; je n’y arrive pas, j’aime passer du temps avec eux et essayer de comprendre leur histoire. Je ne sais jamais combien de temps ça va me prendre. Tout est improvisé, c’est génial.
Au début je commençais à faire beaucoup de photos en journée. Aujourd’hui je photographie beaucoup la nuit. Ce ne sont pas les mêmes gens, les gens sortent, les personnes que je recherche, ceux vers qui je tends, sont plus du milieu de la nuit.
Cette série, c’est la suite d’un travail précédent, un travail que j’avais fait sur les abords du périphérique. Il y a beaucoup de choses qui sont dues au hasard et surtout aux rencontres. Moi, ce que j’essaie de faire, c’est de dépeindre une atmosphère, un lieu et les gens qui vivent dans ce lieu.
« A l’ombre des vivants » est donc la suite de « Périphériques », j’ai fait la même chose. Au gré des rencontres, j’ai raconté une histoire. Mais c’est l’histoire de ces gens qui vivent une vie alternatives, ces gens qui sont à côté, qu’on ne voit pas ou peu, qu’on ignore ou qu’on souhaite ignorer mais qui sont là. C’est cette coexistence aussi entre ces mondes qui coexistent mais qui ne se regardent pas. En fait c’est un projet en trois parties qui parle de la vie alternative. L’idée c’est de parler du même sujet dans trois lieux différents : le périph, la ville et le dernier sujet parle de la forêt. Pour ce sujet-là par contre, j’ai suivi une seule personne. La narration était pour le coup très différente car j’ai essayé de raconter une histoire d’un gars qui vit dans la forêt, mais une histoire racontée comme un comte.
Pour « L’ombre des vivants » c’est moins clair, c’est un peu plus aléatoire. Il n’y a pas vraiment de trame. Je prends des photos, je m‘imprègne de tout ça. Puis au bout de trois ans je vois ce que j’ai fait et je me rends compte de tout le travail ; je me dis voyons si on peut en faire une histoire qui tient debout !
C’est un travail fait sur les sens. Par exemple, quand j’ai commencé la photographie, j’avais toujours un casque dans les oreilles, je me coupais un peu de tout. J’ai pris le parti d’enlever ce casque. Je me suis imprégné de la rue et c’est à partir de là que j’ai entendu, j’ai senti, j’ai interagi avec des gens qui pouvaient m’interpeler. Il faut savoir aussi que les fameux filtres dont je parlais tout à l’heure, je me balade avec et c’est voyant, ça se voit. Des fois ils sont assez grands. Souvent je me fais interpeler en me demandant « mais qu’est ce que tu fais avec ces bouts de verre ? qu’est ce que tu fais avec tout ça ? ». A partir de là, on peut commencer l’échange, on peut commencer à parler. Je leur explique alors ce que je fais, qui je suis et souvent ça découle sur une photo et c’est génial.
La photo généralement que je prends, j’essaie de la tirer, de l’imprimer le plus rapidement possible, de l’encadrer et d’aller leur offrir. Ce sont des gens qui ont donné du temps et je leur offre un cadeau pour les remercier. C’est incroyable de voir leur réaction ! Pendant un moment on a l’impression d’avoir servi un peu, d’avoir été utile. Je ne pars pas dans l’idée que je vais changer le monde, ce n’est pas le cas. J’ai peut-être pu aider et je me suis moi-même aidé finalement et ça, c’est bien.