Exposition Richard Pak « La Firme » > 24 oct. 2024 – 5 janv. 2025 – Fermetures exceptionnelles à 16h les 24 et 31 décembre.
Du mardi au dimanche de 11h à 18h au 58 allées Charles de Fitte (nouveau lieu pendant la durée des travaux).
Diversité culturelle et photographie de mode
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Autour de l’univers de Mous Lamrabat, la bibliothèque vous propose une sélection d’ouvrages à propos des représentations visuelles et de la mode. Comme le souligne Christian Caujolle, couturiers et photographes ont obtenu à partir des années quatre-vingt une reconnaissance et une légitimation artistique. La photographie de mode, dont l’histoire est étroitement liée au développement des magazines de mode, est apparue en 1856 avec les clichés de la célèbre Castiglione, premier mannequin pris en photo par Adolphe Braun. Depuis, ce genre photographique n’a eu de cesse de se réinventer, et de participer à de nouvelles images de la beauté, plurielle et inclusive.
Sylvie Lécailler, Outside fashion, Palais Galliera, 2019
Outside fashion déroule l’histoire de la photographie de mode, des studios de portraits de la fin du XIXe aux photos prises en extérieur dans les années 60. Cette évasion typiquement sixties traduisait une envie d’exotisme symbolisée par les pays d’Asie et du Proche-Orient. Il illustrait également un imaginaire de cartes postales destiné à faire rêver les lectrices chics de magazines coincées dans la grisaille parisienne ou londonienne, et rêvant d’un ailleurs ensoleillé. Les photos illustraient des mannequins à la peau bronzée prenant la pose devant des ruines de temple hindou ou de désert jordanien. L’américain Henry Clarke va symboliser cette tendance, en travaillant en couleur pour Vogue, et inventer une nouvelle esthétique dans la photographie de mode. Il va sillonner le monde à la recherche de la lumière parfaite, pour des images sublimant paysages et éléments architecturaux locaux. Les vêtements photographiés s’inspiraient également des costumes traditionnels des pays visités, et assemblés à la mode US.
Patrick Remy, Antiglossy : Fashion Photography Now, Rizzoli International Publications, 2019
L’ouvrage rassemble les travaux des photographes les plus avant-gardistes travaillant dans la mode aujourd’hui. Trente artistes réinventant le glamour à l’aune du numérique, d’Instagram et de l’ère MeToo. A l’image des clichés réalisés par Charlie Engman mettant en scène façon puzzle l’icone indé Chloé Sevigny tenant dans ses bras des chatons, ces artistes renouvellent la photographie de mode en créant des récits propres à notre monde contemporain. Un télescopage d’influences diverses issues du cinéma ou de la vidéo, de la culture pop, de l’histoire de la mode, etc. et mixant également diverses techniques, de l’argentique à la post-production. Outre les univers glossy de Ruth Hobgen, les atmosphères « lynchéennes » du célèbre Todd Hido, ou les collages numériques de la londonienne Sarah Piantadosi, on peut trouver également les travaux de Jeff Bark, Karen Knorr ou de Maurits Sillem.
Viviane Sassen, In and out of fashion, Prestel, 2013
Les photographies de mode de Viviane Sassen (née en 1972 à Amsterdam) sont des travaux de commande, mais qu’elle envisage comme un laboratoire créatif, tout autant que ses créations personnelles. In and out fashion le démontre superbement, tant ses mises en scène font preuve d’une recherche esthétique très étudiée sur les formes, les couleurs, la gestuelles des modèles. Elle n’hésite pas à utiliser ombres, miroirs, et reflets, transformant les mannequins en créatures étranges. Un univers décliné pour des marques prestigieuses (Carven, M-Missoni, Stella McCartney/Adidas, Levi’s), ou pour des campagnes publicitaires réalisées pour des magazines comme Wallpaper, Numéro, Purple, ou Dazed & Confused. Des photographies parfois rehaussées de peinture, incluant également des collages. Un style inimitable, et d’une riche beauté.
Ethan James Green, Young New York, Aperture, 2019
Ethan James Green, photographe et ancien mannequin gay, a photographié de 2014 à 2018 ses amis queer à New York, documentant en noir et blanc et à la chambre ces « millennials », lui-même étant né en 1990. Une jeunesse captée par un regard à la fois proche et mélancolique définissant une identité communautaire composée de mannequins, d’artistes, d’icônes de la nuit ou de personnages hors-normes. Douceur et empathie prédominent dans ces images calmes et sereines, et influencées par les codes de la photographie de mode.
Le festival international de mode, de photographie et d’accessoires de Hyères (département du Var) promeut depuis 1986 la jeune création internationale de mode. Cette manifestation organise chaque année un concours de mode destiné aux jeunes professionnels, ainsi qu’un « Grand Prix du jury Photographie », parrainé par la Maison Chanel et le magazine Wallpaper, permettant au lauréat ou a la lauréate de « lancer » sa carrière, avec publication dans le magazine, collaboration avec la grande marque, et organisation d’une première exposition.
La photographie de mode et le magazine Vogue
Le légendaire magazine de mode Vogue, sans doute le plus célèbre au monde, publie son premier numéro en 1892. Cette gazette issue de la haute société new-yorkaise va se transformer en un empire de presse grâce au mystérieux Condé Montrose Nast (1873-1942), qui va regrouper au début du 20ème siècle les différentes éditions de Vogue (américaine, britannique et française), en incluant également d’autres titres comme Glamour ou Vanity Fair. Le mensuel, qui sort aujourd’hui dans vingt-six pays et en dix-neuf langues, va créer durant le siècle dernier les images du chic et du glamour, et façonner la photographie de mode. De nombreux photographes reconnus en feront les unes : Annie Leibovitz, Irving Penn, David Bailey, Bert Stern, mais aussi Guy Bourdin, Paolo Roversi, Helmut Newton, etc. Le magazine va accompagner les révolutions visuelles et esthétiques propres à chaque décennies.
Mous Lamrabat a participé en 2019 au « Photo Vogue Festival » à Milan (Italie), intitulé « A Glitch In The System, Deconstructing stereotypes« . Dès sa création, le festival s’est donné comme mission de « remettre en question les visions traditionnelles de la beauté », c’est-à-dire en diversifiant les représentations des corps, des âges, du genre. Le travail de Mous Lambarat s’inscrit dans cette perspective de renouvellement des formes impulsé par le célèbre magazine : un croisement entre continent africain et occidental, glamour et tradition marocaine, modèles non professionnels et codes européens, avec une revendication souvent teintée d’humour appelant à la tolérance et à la diversité.
Nadine Ijiwere, Our own selves, Prestel, 2021
La photographe de mode Nadine Ijiwere est la première femme noire à faire la une du magazine Vogue en 2019, et s’inscrit dans cette nouvelle vision de la beauté. Née à Londres en 1992 de filiation nigério-jamaïcaine, cette artiste célèbre la beauté noire dans un univers aux couleurs chatoyantes, magnifiant plus particulièrement des modèles aux cheveux crépus qu’elle se désolait de ne pas voir dans les revues durant son adolescence. Ses clichés réalisés en Jamaïque et au Nigeria offrent des portraits de personnes de couleur mises en scène de façon solaire et puissante, et renouvelle également les codes vestimentaires et corporels véhiculés habituellement dans le milieu de la mode. Outre son travail pour Vogue, le livre propose également ses shooting effectués pour les célèbres marques Stella McCartney, Dior, Gap, Hermès ou Valentino.
Tyler Mitchell, I can make you feel good, Prestel, 2020
Tyler Mitchell (né en 1995 à Atlanta) a, comme sa consœur Nadine Ijiwere, marqué l’histoire de la photographie de mode en 2018, en tant que premier photographe noir faisant la une du Vogue US. Ceci grâce à son illustre modèle, Queen B (aka Beyoncé), qui l’a imposé au magazine. « Avec mon travail, je cherche à revitaliser et à élever le corps noir. ». Influencé par la culture skate et les vidéos Youtube Tyler Mitchell a bénéficié en 2020 d’une première exposition au FOAM d’Amsterdam, laissant voir l’étendue de son talent de photographe. Ce catalogue d’exposition célèbre la jeunesse noire américaine d’Atlanta dans des couleurs pastel, et offre des portraits et autres instants de vie où photographie de mode se mêlent à une « street culture » propre à l’artiste.
La photographie contemporaine maghrébine
Depuis 2015, Le monde arabe et ses photographes sont mis à l’honneur en France lors d’une biennale à Paris, œuvrant pour une légitimation et une reconnaissance de ces pratiques artistiques contemporaines peu mises en avant sur la scène internationale. Une attention qui permet de découvrir de nombreux artistes issus de pays comme l’Algérie, le Maroc, ou plus loin encore, du Proche et du Moyen-Orient, et de les inscrire dans l’histoire de la photographie.
Abdelghani Fennane, La photographie au Maghreb, Aimance Sud, 2018
Cet ouvrage, publié sous la direction d’Abdelghani Fennane, écrivain chercheur à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, propose pour la première fois une synthèse de ce qu’est la photographie artistique et vernaculaire au Maghreb. « Premier livre à traiter en profondeur des liens entre les sociétés du Maghreb et leur rapport à l’image« , il est découpé en quatre chapitres : « La photographie ancienne », « La photographie contemporaine », « Photographie et autres expressions artistiques », « Photographie et société ». De nombreux critiques, commissaires d’expositions et directeurs de festivals spécialisés dans la photographie apportent leurs contributions, les textes étant complétés par une riche iconographie.
Biennales des photographes du monde arabe contemporain, 2015, 2017 et 2019
Initiée par l’Institut du Monde Arabe (IMA) et la Maison Européenne de la Photographie (MEP), cette biennale a pour objectif « de porter un éclairage sur les photographes contemporains qui opèrent dans et sur le monde arabe« . Du Maroc au Liban, en passant par l’Égypte ou la Syrie le festival met en lumière toute une nouvelle génération d’artistes qui traduisent les réalités sensibles de leurs pays respectifs. Depuis 2015 il aborde de nombreux champs de la création artistique arabe, qu’ils soient documentaires, introspectifs, ou expérimentaux. Des pluralités de regards que l’on a peu l’occasion de voir, notre vision de ces mondes arabes étant encore dominée par des clichés d’un romantisme postcolonial inventant un Orient lascif et muet, ou au contraire envahi par des images de guerre ou de pauvreté.
Hassan Hajjaj, MEP/RVB Books, 2019
Hassan Hajjaj (né en 1961) est un designer et photographe marocain ayant vécu à Londres. En créant installations, photographies et vidéos l’artiste s’approprie matériaux et objets de la vie quotidienne pour construire une œuvre vivement colorée, et proche du ready made et de l’acte warholien. Surnommé « Andy Wahloo » par son ami Rachid Taha (wahloo en arabe voulant dire « je ne possède rien« ) Hassan Hajjaj a également créé une ligne d’objets de décoration, de design et de vêtements nommé « Yima » (maman en marocain). Religion et mode, marques emblématiques (Nike, Gucci ou Chanel) et créations vestimentaires inspirées par le souk marocain se télescopent dans son œuvre. Humour et décalage priment, jouant avec tous les codes culturels qu’il s’est approprié. Un art contemporain qui questionne également le port du voile et la religion musulmane, comme dans sa série photographique « Kesh Angels », mettant en scène des femmes bikers voilées.
Ismail Zaidy, in revue Aesthetica, n°98, décembre / janvier 2021
Le jeune photographe et plasticien marocain Ismail Zaidy qualifie son style « d’abstrait et minimaliste » et avoue que pour lui, « la photographie est une affaire de famille« . Né à Marrakech, Zaidy, également connu sous le pseudonyme « I4artiste », inclus son frère et sa sœur dans l’élaboration de ses projets photo et comme modèles. Un univers doux et onirique construit par l’épure des paysages marocains, et décliné dans des tons pastels. Il réalise ses images avec un smartphone (un Samsung Galaxy S5), et les retouche dans son studio (« Sa3ada », « joyeux » en arabe), créé sur la terrasse de l’appartement familial. L’importance du lien transparait dans son travail, les personnages mis en scène jouant souvent un ballet muet où chacun tente de se connecter à l’autre, le visage ou le corps souvent masqués.
Mode et identité noire
Les cinquante-quatre pays du continent africain possèdent de nombreuses plateformes créatives, notamment dans le milieu de la mode. Si le Maroc est mis à l’honneur au Château d’Eau, de nombreux stylistes, designers ou photographes issus du Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, Niger ou Afrique du Sud, etc. représentent la création contemporaine africaine avec brio. Voici quelques pistes permettant de mesurer la richesse artistique de ce vaste territoire.
Antwaun Sargent, The New Black Vanguard, photography between art and fashion, Aperture, 2019
L’ouvrage présente les travaux de quinze artistes contemporains noirs célébrant la beauté noire. Comme l’a énoncé en 1998 Barbara Summers (1944-2014), écrivaine et ancienne mannequin noire ayant travaillé pendant dix-sept ans avec la célèbre agence Ford, « La beauté est un pouvoir. Et la lutte pour que toute la gamme de la beauté noire soit reconnue et respectée est une lutte sérieuse« . The New Black Vangard offre toute cette gamme, avec des personnalités croisant des horizons différents : New York et l’Afrique du sud, le Niger et Londres… Art, mode et culture se combinent dans ces portfolios représentant superbement le travail de chaque artiste.
Aida Amoako, As we see it, artists redefinning Black Identity, Laurence King publishing, 2020
La londonienne Aida Amoako s’intéresse dans cet ouvrage à l’identité noire à travers des artistes issus du monde de la photographie, de la sculpture et de la peinture. Toute une jeune génération qui exprime dans leurs œuvres ce qu’est la diaspora noire, en construisant les représentations de cette identité. Australie, Bahamas, Nigeria, Afrique du Sud, etc., autant de pays envisagés qui permettent, selon les dires de l’auteure, de « sortir de la perspective anglo-américaine qui domine« . Chaque portfolio est introduit par un texte présentant le travail et les intentions des artistes choisis. On peut trouver Campbell Addy, Girma Berta, Sedrick Chisom, Atong Atem ou bien encore le photographe et styliste Kenny Germé.
Emmanuelle Courrèges, Swinging Africa, le continent mode, Flammarion, 2021
La journaliste de mode Emmanuelle Courrèges, élevée en Afrique de l’Ouest, a lancé en 2017 une plateforme de soutien aux créateurs de mode (LAGO54) afin de représenter les jeunes stylistes africains. Elle a ainsi largement contribué à faire connaitre la mode africaine en France, en organisant également salons et showrooms pendant les fashion-weeks. Cet ouvrage alimente son rêve « de percevoir l’Afrique que je connais telle qu’elle est : créative, inspirante, ultra contemporaine« . De nombreux photographes, stylistes, modèles, blogueurs ou bien encore air and make up artists sont mis en valeur dans le livre, et offre un parfait condensé de ce qu’est la création contemporaine africaine à l’aube du XXIe siècle.