Exposition Richard Pak « La Firme » > 24 oct. 2024 – 5 janv. 2025
Du mardi au dimanche de 11h à 18h au 58 allées Charles de Fitte.
A la rencontre de l’œuvre de Nan Goldin
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A l’occasion de la sortie en salle du documentaire de Laura Poitras, « Toute la beauté et le sang versé », présenté en avant-première avec Utopia Tournefeuille le 9 mars, la bibliothèque vous propose une sélection de livres autour de l’œuvre de Nan Goldin.
C’est une des rares photographes à jouir d’une renommée qui dépasse largement le monde de la photographie. Elle est aussi partie prenante de nombreuses causes sociales (SIDA, Ségrégation, féminisme, écologie…), un engagement qui a dépassé ses œuvres et s’est traduit par des interventions dans les médias.
Ce dossier a été réalisé avec Léo Martinez, enseignant et historien de la photographie.
A propos du documentaire
Laura Poitras est une journaliste et documentariste américaine oscarisée, qui a reçu pour ce film le Lion d’or au Festival du film de Venise 2022. La réalisatrice avait travaillé précédemment deux sujets très politiques, « Citizenfours » sur Edward Snowden et « Risk » sur Julian Assange, deux hommes impliqués dans le dévoilement de documents secrets.
Le film montre l’œuvre photographique et le combat de Nan Goldin contre la famille Sackler, propriétaire de la société Purdue Pharma impliquée dans l’abus de substances opioïdes entrainant dépendance, surdoses et overdoses.
Nan Goldin est également partie prenante d’un collectif activiste PAIN qui organise des actions coup de poing de visibilité dans les grandes institutions muséales internationales ( V&A, Met…). L’artiste dénonce le programme de mécénat mené par la famille Sackler et poussent les musées à refuser leurs donations et à retirer leurs noms des galeries.
Le documentaire retrace le parcours de l’artiste, apparait progressivement la personnalité, le caractère, la fougue mais aussi les moments de faiblesse de Nan Goldin. Le film créé un tableau sur plusieurs décennies décrivant les affres de la toxicomanie, les relations familiales, amoureuses, les amitiés, les pertes et les douleurs. Ce film témoigne de l’aspect autobiographique et réaliste de son travail qui va de pair avec un engagement social.
Découvrir le film : All the Beauty and the Bloodshed | Participant
L’œuvre et la vie de Nan Goldin
Née en 1953 à Washington, Etats-Unis, elle vit et travaille à Paris et à New York. Fortement marquée par le suicide de sa sœur en 1963, elle commence à photographier à l’âge de quinze ans. Sa première exposition de photographies noir et blanc a lieu au début des années 1970. Elle obtient son diplôme (Bachelor of Fine Arts) de la School of the Museum of Fine Arts à Boston en 1977. Elle s’installe à New York en 1978 et continue à documenter sa «famille étendue», la vie underground.
En 1985, son travail est présenté pour la biennale du Whitney Museum of American Art, puis la série « La ballade de la dépendance sexuelle » est publié en 1986. Ce travail consiste en des diapositives projetées, accompagnées d’une bande son. En 1987, elle commence à travailler avec la grande Pace/MacGill à New York. Elle est invitée aux Rencontres d’Arles par François Hebel en 1987.
The ballad of sexual dependency, Aperture, 1986
« The ballad of sexual dependency » est initialement une installation sonorisée d’une centaine de photographies. La série comprend 750 instantanés, des archives de l’artiste et prend la forme d’un récit profondément personnel. La ballade existe sous plusieurs versions. « Le journal est la forme de contrôle que j’exerce sur ma vie. Il me permet d’enregistrer chaque détail de manière obsessionnelle. Il me permet de me souvenir » dit Nan Goldin (traduction libre du site web du Moma). La ballade recèle une dimension politique qui questionne la violence faite au genre.
En 1991, elle s’installe à Berlin, bénéficiant d’une bourse du DAAD (programme de résidences d’artistes), où elle acquiert une renommée internationale dans le monde de l’art et du cinéma. Elle y développe de nombreuses collaborations artistiques, dont les livres A Double Life avec David Armstrong, Tokyo Love avec le photographe japonais Nobuyoshi Araki (tous les deux publiés en 1994).
A double life David Armstrong, Nan Goldin, Scalo verlag, 1994
Paru en 1994, le livre exprime visuellement l’amitié pendant vingt ans entre Nan Goldin (photographies en couleur) et David Armstrong (photographies en noir et blanc). Ayant vécu dans un même milieur, le livre met en dialogue leurs deux esthétiques photographiques.
En 1996, une grande rétrospective de ses œuvres, I’ll be your Mirror, a lieu au Whitney Museum à New York avant d’entreprendre une tournée dans les musées européens.
I’ll be your mirror, Scalo verlag, 1996
Catalogue de l’exposition du même nom, le livre compile plusieurs textes d’analyse du travail de Nan Goldin. Sont présentées à côté des photographies iconiques de l’artiste, une série sur les travestis et drag queens à New York, avec qui Nan Goldin a noué des amitiés. Le livre met l’accent sur la puissance des regards. Ainsi que le formule Luc Sante : « Nan est une portraitiste des âmes. Elle regarde à travers les yeux de ses sujets, dans les deux sens, et son champ d’action englobe également les amis, les amants, les objets, les vêtements, les pièces : le contexte de l’âme. Elle se voit dans ses sujets. Les portes entre sa vie et son travail restent grandes ouvertes. »
En 2000, elle s’installe à Paris. Aujourd’hui, elle vit et travaille entre Paris et New York. En 2001, une deuxième rétrospective, Le Feu follet, se tient au Centre Georges Pompidou à Paris et tourne à travers le monde sous le titre Devil’s Playground dans des lieux tels que le Whitechapel Art Gallery (Londres), la Reina Sofia (Madrid), la Fundação de Serralves (Porto), le Castello di Rivoli (Turin) et le château Ujazdowski (Varsovie). Un gros volume paraît en relation avec cette exposition, Devil’s Playground, publié par Phaidon.
Le terrain de jeu du diable, Phaidon, 2003
Paru en 2003, le livre est une sélection rétrospective dans l’oeuvre de Nan Goldin avec des images inédites présentées en séquences (par Nan Goldin) toujours sous la forme du journal. Les photographies sont accompagnées de poèmes et de chansons (Nick Cave, Leonard Cohen…). L’ouvrage est conséquent (503 p.), plus apaisé aussi sans doute, plus orienté sur la résilience, sur l’amour, avec une série sur l’enfance (Eden and after).
En 2004, son installation multimédia « Sœurs, Saintes et Sibylles », présentée lors du Festival d’automne de Paris, attire un immense public à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière. Cette œuvre, combinant l’image fixe et animée projetée sur trois écrans, raconte l’histoire de trois femmes prises au piège de la hiérarchie masculine. Elle rend hommage à sa sœur Barbara, dont la rébellion et le suicide ont tant marqué sa propre vie et son œuvre.
Artiste reconnue, elle s’est consacrée à la promotion de la jeune génération. Cette consécration correspond à son commissariat aux Rencontres d’Arles, où elle expose aussi sa propre collection de photographie.
Les rencontres d’Arles 2009
Le catalogue annuel des Rencontres d’Arles reprend sous la thématique « ça me touche » les expositions à l’invitation de Nan Goldin : David Armstrong, Marina Beiro, Jean-Christian Bourcart, Antoine d’Agata, JH Engström, Christine Fenzl, Jim Goldberg, Leigh Ledare, Boris Mikhailov, Anders Petersen, Jack Pierson, Lisa Ross, Annelies Strba. « Des gens dont le travail provoque en moi une émotion intense » dit-elle.
Nan Goldin et la photographie comme art
Nan Goldin est emblématique de la reconnaissance de la photographie comme un art. L’esthétique amateur lui assure son succès et quelques critiques (comme pour Martin Parr dans un autre genre). Son esthétique et les sujets dont elle traite, touchent directement le public. Le côté « trash » (alcool, sexe, drogue, violence) et underground (fête, communauté LGBT, New York, post-punk) trouve un écho dans les préoccupations et la culture des années 90. Son travail résonne dans une période marquée par l’activisme contre le Sida et où la condition des malades et les ravages de l’épidémie commencent à être reconnus.
Emotions et relations, Taschen, 1998
Le livre confronte 5 artistes de Boston sur le thème des émotions et relations humaines, avec Nan Goldin, David Amstrong, Mark Morrisroe (aussi proche de l’artiste), Jack Pierson et Philip-Lorca diCorcia. Ce choix s’appuie sur des analogies formelles et des proximités de contenus. Le propos du livre est d’explorer l’intime comme sujet d’art et d’interroger le détournement de l’image colorée, les poses du glamour appliqué à un dénuement existentiel. Une façon de terrasser la vulnérabilité par l’acte photographique.
Nan Goldin incarne une autre photographie américaine. De multiples influences ont sans doute façonné son œuvre, comme l’école artistique new yorkaise (Ash Can School fin XIX, début XX, un courant réaliste et engagé autour de la vie quotidienne des quartiers pauvres), mais aussi par Edward Hopper (solitude des personnages, environnement urbain). Elle évolue dans un environnement artistique dense à la suite d’Andy Wharol, de Basquiat, de Mapplethorpe.
Numéro spécial Aperture 239, 2020
Publié à l’été 2020, ce numéro propose une longue interview de l’artiste où elle revient sur son œuvre, son intuition première de devenir réalisatrice, son militantisme. Elle y propose ensuite son « Panthéon » des photographes August Sander, Germaine Krull, Peter Hujar, Claude Cahun, au cinéma de John Cassavetes. Des références entre humanisme (Ed Van der Elsken) et représentation de la violence (Larry Clark). Le numéro fait la part belle à de jeunes artistes internationaux dans la veine du portrait intime social ou communautaire.
Voir le site du magazine Aperture : Aperture 239 | Aperture
Nan Goldin propose une nouvelle esthétique, en couleurs quasi monochrome, floues, sous exposées. Elle renouvelle le genre de la « photographie de famille » avec une approche sans fard de l’intime et du quotidien et la pratique du journal intime photographique. Elle pose également la question de la véracité de ses récits et de la problématique de sa propre mise en image.
Pour clore cette « ballade » dans l’oeuvre de Nan Goldin, voici deux livres tout dernièrement parus :
Love songs, Photographie de l’intime, Atelier EXB, MEP, 2022
Catalogue de l’exposition collective de la Maison Européenne de la photographie réunissant 14 séries sur l’histoire des relations amoureuses. S’inspirant de la musique, l’exposition propose une face A des années 1950 à 1990 et une face B des années 1980 à aujourd’hui. Autour des œuvres de Nan Goldin et de Nobuyoshi Araki sont présentés Sally Mann, Leigh Ledare, Hervé Guibert, JH Engström & Margot Wallard, Lin Zhipeng ou Collier Schorr.
Voir l’exposition sur le site de la Maison Européenne de la Photographie
This is not end well, Steidl, 2022
Dernier livre paru en 2022, ce catalogue d’exposition (organisée par le Moderna Museet de Stockholm) donne un aperçu du travail de Nan Goldin en tant que cinéaste, en proposant diaporamas et installations vidéo réalisés à partir de milliers de photographies, depuis ses début jusqu’à aujourd’hui. Des textes de différents auteurs (la plupart choisis par Nan Goldin) accompagnent chaque série d’images imprimées sur fond noir, comme si l’on visionnait ces slideshows. This will not end well s’approche donc au plus près de ce que désirait Nan Goldin, qui aurait voulu être cinéaste.
Voir le livre sur le site de l’éditeur : This Will Not End Well – Nan Goldin – Steidl Verlag
Tous les livres sont consultables à la bibliothèque du mardi au samedi de 13h à 18h.